Remise en question de l’impôt paroissial pour les entreprises
Jugée trop marquée par les représentants de la droite, la mobilisation des Eglises en faveur de l’Initiative pour des multinationales responsables continue de faire débat. Bien que cette dernière ait été rejetée de justesse en septembre dernier, plusieurs parlementaires, dont une majorité de délégués UDC et PBD, sont montés au créneau pour demander de rendre facultatif l’impôt paroissial des personnes morales en déposant une motion, retirée par la suite (motion Rappa). Pour rappel, dans le canton de Berne, une personne physique est libre de sortir de l’Eglise et ainsi de ne plus payer son impôt paroissial. Les personnes morales, quant à elles, n’ont pas la possibilité de renoncer au versement de cet impôt. Pour les initiateurs de la motion retirée, cette situation fait que des entreprises se retrouvent ainsi, parfois, à financer indirectement des campagnes défendant des intérêts diamétralement opposés aux leurs. Cela pose un problème démocratique et va à l’encontre du code des obligations, les organes de la personne morale étant tenus de servir l’intérêt de cette dernière et devant s’abstenir de faire quoi que ce soit qui puisse lui nuire.
Affectation positive
En réaction à la motion Rappa, un autre groupe de parlementaires plus modérés et diversifié a également déposé un texte demandant à ce que l’impôt de personnes morales soit uniquement affecté à des buts socioculturels (motion Gnägi). Cette proposition d’affectation positive reconnaît le rôle essentiel des Eglises en matière de service public dans des domaines aussi variés que les personnes âgées, la jeunesse, la formation, les addictions, le conseil conjugal ou la migration. «Notre proposition permet de résoudre le problème soulevé par la motion Rappa, sans porter préjudice aux autres activités des Eglises», précise Christoph Grupp, signataire de la motion du parti des Verts et président de la paroisse réformée alémanique de Bienne. Les initiateurs se basent sur un modèle qui a déjà fait ses preuves dans le canton de Lucerne. Pour le parlementaire, le retrait de la motion Rappa découle certainement du fait qu’elle présente trop de similitudes avec une autre proposée il y a quelques années: «Un même texte ne peut être déposé deux fois dans la même législature. La question pourrait toutefois refaire surface.»
Demande récurrente
Ce n’est en effet pas la première fois qu’une telle remise en question a lieu dans le canton de Berne. «Il est tout à fait légitime qu’un débat démocratique puisse avoir lieu. Il serait toutefois souhaitable qu’il puisse se faire de manière réfléchie et non passionnelle», souligne Judith Pörksen Roder, présidente des Eglises réformées Berne-Jura-Soleure. Si une motion, telle que la motion Rappa, générait un projet de loi qui soit accepté, les responsables des Eglises tablent sur une diminution de quelque 20 % des recettes fiscales, ce qui ne manquerait pas de mettre en péril certaines activités. Pour développer cette question, les représentants des Eglises vont rencontrer toutes les fractions du Grand Conseil.
La loi sur les Eglises leur reconnaît explicitement un rôle dans la transmission des valeurs fondamentales, ce qui justifie qu’elles puissent avoir des prises de position politiques lors de certaines votations. «Nous rappelons toutefois que ce n’est en aucun cas un mot d’ordre, mais des contributions au débat», ajoute Judith Pörksen Roder. Elle peut comprendre que des personnes se soient senties heurtées par la manière dont certaines paroisses se sont affichées en faveur de l’Initiative pour des multinationales responsables, ce qui n’était pas dans l’intention des Eglises. Une réflexion dans les paroisses en lien avec les prises de position politiques sera d’ailleurs menée tout prochainement. La présidente tient toutefois à rappeler que ces dernières sont le fruit de travail sérieux et documenté qui prend en compte une dimension éthique.