Absence de contrainte ou possibilité de définir les règles
Qu’est-ce que la liberté? «Il y a un long débat sur cette question, la définition de la liberté est une affaire politique», prévient le politologue Antoine Chollet, maître d’enseignement et de recherche au Centre Walras Pareto (université de Lausanne). «Une tradition libérale la définit de manière individuelle et négative. La liberté serait l’absence de contrainte extérieure. Une autre tradition, républicaine, la définit de façon plutôt collective et positive: la liberté consiste à pouvoir participer aux débats collectifs et à décider des règles qui vont s’imposer à nous», explique le chercheur qui se reconnaît dans cette deuxième définition. «On peut reformuler et dire que pour les néolibéraux, la liberté est l’absence de contrainte, alors que pour les néo-républicains, la liberté est l’absence de domination», complète Augustin Fragnière, chercheur au Centre interdisciplinaire de durabilité (Université de Lausanne). «Dans cette conception de la liberté, on reconnaît que le droit constitutionnel, le droit du travail, par exemple, fonctionnent comme des outils de protection des libertés de chacune et chacun dans une société», explique le chercheur spécialisé dans les questions politiques liées à l’environnement.
Inévitables contraintes
«Aujourd’hui, on met beaucoup en avant les libertés individuelles. Mais il est clair que dans notre société, il y a des contraintes! Seules celles qui sont imposées de manière arbitraire sont de réelles atteintes à la liberté. Les lois qui établissent le contrôle des armes, par exemple, sont des textes qui prennent en compte le bien commun et qui sont issus d’un processus où chacun a pu participer», insiste Augustin Fragnière, pour qui la gestion du bien commun est une question critique pour faire face aux enjeux environnementaux.
«Dans un texte, Benjamin Constant différencie la liberté des Anciens qui consistait à pouvoir participer à la chose publique de celle de l’homme moderne qui offre davantage d’espace pour pouvoir vaquer à ses occupations», rappelle Augustin Fragnière. Un espace de liberté individuelle revendiqué, mais qui ne doit toutefois pas se limiter à cela.
Pandémie et liberté
«On a beaucoup dit que la pandémie rendait nécessaire de suspendre pendant quelque temps les libertés individuelles. Une autre analyse serait de dire que le Conseil fédéral a pris les pouvoirs prévus en cas de crise dans le but de préserver le bien commun. Personnellement, cela me semble légitime et justifiable au vu des enjeux sécuritaires et pour un temps limité. C’est l’évaluation à posteriori des agissements du gouvernement durant cette période qui nous dira s’il y a eu atteinte aux libertés», estime Augustin Fragnière. Antoine Chollet se montre plus circonspect sur ce point: «A partir du moment où l’on ne peut plus aller manifester et qu’il y a des limitations à sortir du pays, il faut reconnaître qu’il y a des entraves aux libertés», prévient-il. «Elles peuvent être parfaitement légitimes, mais il faut admettre que l’état d’exception conduit à une suspension partielle des libertés, et surveiller cela comme le lait sur le feu!», prévient-il. «Cette suspension doit-être la plus courte possible.»