«Le Liban a besoin de l’aide européenne»
Depuis 2011, le Liban a accueilli près de 1,5 million de réfugiés syriens. Aujourd’hui le pays manque cruellement de ressources pour s’en occuper et la situation se détériore pour toute la population libanaise. Pourtant, la première vague de réfugiés était plutôt la bienvenue.
Lorsque la guerre a éclaté en Syrie, ce sont les alaouites qui sont venus se réfugier, en premier, au Liban. Ils soutenaient le régime en place et se sentaient donc menacés. Ils sont venus avec tout ce qu’ils possédaient. Parallèlement, de riches commerçants sunnites sont également arrivés, car tout changement de régime génère un ressenti face à la bourgeoisie.
Ces deux groupes ont été très actifs au sein de la société libanaise. De plus, la majorité de leurs avoirs se trouvaient dans les banques du pays. Ils ont acheté des logements. Ils ont investi dans et l’artisanat tout en engageant des employés syriens.
Pourtant aujourd’hui, les relations entre la population libanaise et les réfugiés syriens deviennent compliquées, que s’est-il passé?
Le gouvernement libanais n’a pas obtenu de fonds contrairement à la Jordanie et la Turquie. Au Liban, tout le soutien aux réfugiés, notamment dans les camps, est financé par des ONG. Ce manque de ressources engendre de nombreux problèmes au niveau de l’éducation, de la voirie, des égouts, du logement, de l’électricité, de l’eau potable. Le gouvernement a fait ce qu’il pouvait. Maintenant, il a besoin d’aide et en demande à l’Union européenne.
De plus, à cause des sanctions que Trump a prononcé à l’encontre de la Syrie et de l’Iran, beaucoup de personnes ont retiré leurs avoirs des banques libanaises. Ce n’est plus la Suisse du Moyen-Orient. Aujourd’hui, il y a beaucoup moins d’investissement au Liban. Parallèlement, le taux de chômage a explosé. Les gens n’ont plus de travail, donc plus d’argent. On arrive à l’étranglement.
Les responsables politiques souhaitent un retour des réfugiés syriens dans leur pays. Est-ce la solution?
Le gouvernement veut satisfaire les besoins de ses compatriotes. Il ne veut pas voir une révolution dans son propre pays, à cause de l’appauvrissement général. On voit, par exemple, dans les rues des enfants qui mendient ou vendent des babioles. Ce sont des réfugiés et aussi des Libanais très pauvres. Le futur de ces générations est fortement menacé. Nous avons tous besoin qu’une partie des réfugiés rentrent chez eux. Certains peuvent le faire. Par exemple, les personnes originaires de la région de Homs, où la situation est stabilisée, contrairement à Alep. Globalement, le contexte est particulièrement compliqué, car pour le bon fonctionnement du Liban, il faudrait que les réfugiés rentrent, mais la sécurité n’est pas assurée en Syrie. C’est sans compté que les Libanais et les Syriens sont depuis très longtemps deux peuples très proches. De nombreux Syriens ont de la famille au Liban et certains Libanais habitaient en Syrie, avant la révolution syrienne. Aujourd’hui, cette proximité est mise à mal.
Encadré: Anie Boudjikanian, en quelques mots
Née en 1945 à Beyrouth, Anie Boudjikanian a fait des études en pharmacie, suivie d’une formation d’assistante sociale. Chrétienne engagée, arménienne dans l’âme, Anie Boudjikanian a travaillé pendant toute sa carrière auprès des plus démunis. Actuellement retraitée active, elle est la présidente d’Action chrétienne en Orient Fellowship.
Encadré: Action chrétienne en Orient (ACO) Fellowship
L’ACO Fellowship est un réseau d’Églises du Moyen-Orient et d’organismes missionnaires européens. Elle est composée de l’Union des Églises évangéliques arméniennes du Proche-Orient (UACNE), du Synode national évangélique de Syrie et du Liban (NESSL), du Synode des Eglises évangéliques arméniennes et assyriennes d'Iran, de l’ACO France, de l’Alliance missionnaire réformée des Pays-Bas et de DM-échange et mission. L’ACO travaille au développement et au renforcement des communautés chrétiennes ainsi qu’à l’amélioration de la cohabitation entre chrétiens et musulmans.