Jubilé 2000: que font les protestants?

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Jubilé 2000: que font les protestants?

28 avril 2000
Alors que le Pape Jean-Paul II monopolise l'attention, les protestants semblent absents du Jubilé 2000
Pourtant, ils s'engagent sur plusieurs fronts et de concert avec l'Eglise catholique pour l'abolition de la dette des pays les plus pauvres, le dialogue oecuménique et l'avenir de la Suisse. Présentation de ces diverses réalisations. La question revient de façon lancinante: "Mais que font les protestants pour le Jubilé 2000? On ne les voit pas. On ne les entend pas". Face au Pape Jean-Paul II qui monopolise l'attention par toutes sortes de gestes symboliques forts - repentance, béatification, pèlerinages -, les protestants ont les plus grandes peines du monde à faire entendre leur voix et à mettre en évidence leur action. Pourtant, ils militent dans une grande campagne internationale baptisée elle-aussi "Jubilé 2000" - de concert avec les Eglises catholiques - et qui vise à l'octroi d'un droit d'insolvabilité aux pays du Tiers-Monde. Cette opération a déjà abouti en juin 1999 à la remise d'une pétition munie de 17 millions de signatures au sommet du G8 (sept pays les plus riches de la planète et la Russie) à Cologne. Objectif: amener les gouvernements des pays occidentaux à tirer un trait sur une partie de leurs créances envers les pays du Sud les plus endettés, argent souvent prêté à la légère et qui a plus d'une fois fini dans la poche de politiciens corrompus. En Suisse, une communauté de travail composé de Pain pour le prochain, Action de Carême, Caritas, Helvetas et Swissaid s'emploient à sensibiliser les milieux politiques et financiers à ce fardeau qui empêche le développement économique des pays pauvres. Si la cause est juste, le débat concret est aride, moins mobilisateur que les apparitions du Pape qui tend à devenir l'unique porte-drapeau du Jubilé 2000.

§Foi et injusticeLa date symbolique de l'an 2000 ne porte d'ailleurs pas la même résonance chez les protestants et les orthodoxes: "L'aspect mythique de l'an 2000 ne nous apparaît pas comme essentiel. Nous avons estimé que ce n'était pas une date suffisamment significative pour en en faire un événement international", note Genveviève Jaques, du Conseil œcuménique des Eglises (COE), une institution qui regroupe 330 Eglises protestantes, orthodoxes et évangéliques. "Dans le cadre du "Jubilé 2000, notre engagement spécifique concerne l'abolition de la dette des pays du Sud". Même attitude du côté de la Fédération luthérienne mondiale (FLM) qui, dès 1997, "invite ses membres à faire pression sur leurs gouvernements et les institutions internationales pour atteindre l'objectif de libération de la dette des pays en développement, en tant que célébration de l'année du jubilé". L'Alliance réformée mondiale (ARM), quant à elle, lie depuis plusieurs années l'expression de la foi chrétienne à l'injustice économique et la destruction écologique. Elle tente de sensibiliser des acteurs cruciaux de l'écoonomie, notamment l'Organisation mondiale du commerce et le Fonds monétaire international, aux impacts désastreux de la globalisation dans les pays du Tiers Monde. Lors de sa récente installation à la tête de l'ARM, le nouveau secrétaire général, le Ghanéen Setri Nyomi déclarait qu'il fallait sortir de l'impasse de la société capitaliste: "Nous devons chercher une nouvelle communauté humaine qui ne dépende plus du capitalisme".

§En SuisseSur le plan suisse, les protestants ont contribué à plusieurs manifestations marquant l'an 2000. Il y a d'abord eu, le 23 janvier dernier, les deux célébrations œcuméniques qui se sont tenues simultanément en la cathédrale de Lausanne et de Genève, où différentes communautés chrétiennes - catholiques, protestants, orthodoxes évangéliques, anglicans, luthériens, pentecôtistes,... – ont partagé un culte commun et pris l'engagement solennel de se rapprocher. Les fêtes de Pâques ont été rythmées par le grand rassemblement Protest'An 2000 organisé à Bienne par l'Eglise réformée Berne-Jura, avec concerts pop et classiques, expositions, débats, ateliers, conférences, pour exprimer la diversité de celles et ceux qui composent le protestantisme. Plus de 7000 personnes ont pris part à la manifestation, et le culte de Pâques a été suivi par 1000 personnes.

Enfin, la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) et la Conférence des évêques suisses (CES) mettent la dernière main à un travail colossal entamé en 1996 et qui entend nourrir la réflexion sur l'avenir de notre pays. Il s'agit d'un vaste sondage – 40 000 questionnaires envoyés, 1000 réponses reçues - sur le type de société où nous souhaitons vivre, à l'heure où les fusions d'entreprises donnent naissance à des multinationales dont le pouvoir est nettement supérieur à celui de l'Etat. Face à cette nouvelle réalité, la CES et la FEPS ont estimé que la préparation du vingt et unième siècle était l'affaire de tout un chacun et qu'il fallait mettre en débat les orientations futures du pays et contribuer à la recherche d'un nouveau consensus social.

Initialement prévue pour la date symbolique de l'an 2000, cette consultation œcuménique a pris quelque retard et ne produira son rapport final qu'en septembre 2001. Toutefois, d'ici l'automne prochain, elle rendra public une analyse des 1000 réponses reçues.