Economie: la religion fait le développement

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Economie: la religion fait le développement

20 novembre 2000
"Les différentes religions influencent le développement économique de manière systématique", affirme l'économiste belge Xavier Couplet
Lors de son récent passage en Suisse romande, à l'invitation de la Maison de L'Arzillier à Lausanne, il a présenté ses dernières recherches sur l'impact économique des mentalités religieuses. L'occasion de mieux cerner les raisons pour lesquelles, à ressources égales, certains pays décollent alors que d'autres connaissent la stagnation."Par la religion, on peut stimuler ou freiner le développement économique", lance Xavier Couplet. Ce constat, il se l'est forgé en parcourant les pays du Sud et du Nord depuis une bonne trentaine d'années pour le compte de divers organismes internationaux. Sur le terrain, il s'est aperçu que les explications les plus communément acceptées pour rendre compte du sous développement ne résistaient pas à l'épreuve des faits. La colonisation, l'absence de démocratie, la corruption, la dette extérieure, le prix dérisoire des matières premières représentent certes de lourds handicaps, mais n'entraînent pas fatalement l'échec économique. En dépit de ce passif, plusieurs Etats parviennent à initier une dynamique de développement parfois spectaculaire, à l'instar de Hong Kong, Taïwan et la Corée du Sud. "Ces Etats ont été colonisés, ils ne disposent pas de ressources naturelles, et pourtant ils s'en sortent bien", souligne Xavier Couplet, qui constate que les pays ayant une même religion dominante, quelles que soient leurs ressources naturelles ou leur situation géographique, présentent toujours un niveau de développement assez semblable. Les pays majoritairement juif sont les mieux lotis, suivis des pays majoritairement confucianistes, protestants, catholiques, orthodoxes, musulmans, bouddhistes, hindouistes et animistes.

§Confucius, le SagePrenant l'exemple des Etats les plus prospères d'Asie, Taïwan, Hongkong, Corée du Sud, Japon et Singapour, Xavier Couplet constate qu'ils sont tous confucianistes, une religion-philosophie qui ne contient pas d’interdits concernant l'économie. La richesse et le prêt à intérêt ne sont pas condamnés, il n'y a ni sacrifices coûteux, ni clergé à entretenir, ni carême, ni ramadan pour venir interrompre la marche des affaires. Confucius se contente de rappeler que dans la perspective du profit, l'homme doit garder "Le souci du Juste". "Le confucianisme ne contient aucun principe arbitraire s'opposant au développement et il crée une réelle cohésion au sein de la population formée d'hommes responsables".

§Tout pour être riche, mais pauvre…La prise en considération du facteur religieux permet aussi d'éclairer un bien curieux paradoxe. Des pays qui ont tout pour être riches se placent parmi les pays plus pauvres de la planète, alors même qu'ils disposent de ressources naturelles en abondance. Tel est le cas du Gabon, de l’Angola, de l’Equateur, de l’Algérie, de l’Iran, du Vénézuela, de l’Equateur… Tous ces pays, animistes, musulmans ou catholiques, ont un pétrole abondant, mais leur économie stagne désespérément. "Ces pays n'ont pas la bonne mentalité. Quand une religion stimule l'éducation, la créativité, les relations sociales et le plaisir de vivre, ces caractéristiques finissent par se transmettre à l'économie".

A cet égard, l’éducation religieuse juive actuelle favorise sans nul doute la réflexion et finalement l'innovation. Dans l'étude de la Torah qui est centrale pour la formation intellectuelle des Juifs, il est permis, à partir des commentaires du Talmud, de disserter à l'envi et d'échafauder toutes les interprétations: "On réfléchit à l'infini, et il y a toujours une porte ouverte. Cette discussion subtile encourage la réflexion, la critique, l'innovation. Résultat : les Juifs obtiennent 60 fois plus de Prix Nobel que la moyenne. Et les trois penseurs qui ont le plus marqué le 19e siècle, Marx, Freud et Einstein, étaient juifs ".

§Europe clivéeL'Europe elle-même constitue un terrain d'observation privilégié pour vérifier l'impact de la religion sur le développement économique. Après 70 années de marxisme pur et dur, les deux entités les plus riches de l'ex-Union soviétique sont l’Estonie et la Lettonie, les deux seules à avoir une majorité relative protestante. Et les Républiques musulmanes sont les plus pauvres, malgré le pétrole que renferme leur sol. Pareille configuration se retrouve en ex-Yougoslavie où le Kosovo musulman est la république la plus pauvre, tandis que la Slovénie à majorité catholique tire son épingle du jeu. Plus curieux encore sont les disparités apparaissant entre les pays orthodoxes et les pays catholiques ou protestants issus du bloc de l’est : tandis que, entre 1992 et 1995, les premiers régressaient économiquement, tous les autres progressaient. "En Europe de l'est, seuls les pays protestants et catholiques sont aptes à entrer dans l'Union européenne, soit la Pologne, la Slovénie, l'Estonie, la Lettonie.

De sorte que pour initier un développement économique durable, l'aide matérielle "classique" telle qu'elle est pratiquée par les œuvres d'entraide est impuissante: "il faut changer les mentalités et par conséquent mettre l'accent sur l'éducation. Cela prendra beaucoup de temps".