Vaincre la violence grâce aux jeux de coopération

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Vaincre la violence grâce aux jeux de coopération

12 février 2001
Alors que débute la décennie 2001-2010 de la culture de la paix et de la non-violence, les jeux de coopération apparaissent comme un moyen idéal de transmission des valeurs non violentes
Ils atténuent la compétition et se terminent sans gagnant ni perdant. Du "yass coopératif" au "cache-cache coopératif" en passant par le Monopoly et le football coopératifs, découverte d'un outil pédagogique qui fait son apparition dans les écoles de Suisse romande. "Je me souviens de parties de yass qui débouchaient sur le plaisir d'écraser l'autre", commente Flavio Santi, conservateur du musée suisse du jeu. L'anecdote montre l'importance de la compétition dans les jeux. Sans ce ressort, le suspense tombe et la partie manque d'intérêt. De sorte que le jeu conduit souvent à une concurrence agressive et que le plaisir disparaît derrière la satisfaction d'avoir été le plus fort ou la colère d'avoir perdu. Il existe pourtant une alternative: les jeux de coopération qui ne dressent pas les joueurs les uns contre les autres ni ne valorisent le plus performant. Ils fonctionnent sur la communication et la concertation. Ils mobilisent les forces de tous les participants au service d'un objectif commun, évitant les comparaisons dénigrantes et la souffrance liée à l'échec.

§Monopoly coopératifExemple: dans le cache-cache coopératif, les enfants qui ont été attrapés ne sont pas éliminés du jeu – supprimant du même coup le sentiment d'exclusion -, mais changent de rôle et passent du côté des "attrapeurs". Pour être efficaces, ces derniers doivent se concerter afin de se répartir les différentes cachettes à inspecter: "Cela leur apprend à s'intéresser les uns aux autres, à se demander lequel d'entre eux est le plus rapide ou le plus habile à franchir des obstacles", relève Jean-Philippe Faure, formateur en communication non violente.

Autre exemple: dans le monopoly coopératif, le but n'est pas de d'amasser la plus grande fortune mais de s'arranger pour que le moins pourvu dispose toujours d'une somme minimale: "Plutôt que de lutter l'un contre l'autre, les joueurs ont un but à atteindre ensemble". Et même le cyclisme, sport compétitif par excellence, se prête à une adaptation sous forme coopérative: les courses se déroulent par équipes et c'est le passage du dernier coureur sur la ligne d'arrivée qui détermine le classement. Les différents équipiers doivent tenir compte de leurs forces et faiblesses afin d'en tirer le meilleur parti sur le plan collectif: "De cette manière, l'opposition vainqueur-vaincu disparaît de même que la comparaison entre les membres d'une même équipe. On utilise les différences au service d'un but commun".

§Assez pimenté?Mais si l'on supprime la compétition, ne fait-on pas du même coup disparaître le principal piment du jeu? En fait, la motivation de gagner est compensée par la possibilité de modifier les règles en cours de partie pour corser l'intérêt: "Dans le cas du football, on peut décider tout d'un coup que celui qui marque un but change d'équipe, note Jean-Philippe Faure. Ou encore former des paires de joueurs en liant le pied gauche du premier au pied droit du second. Jouer dans cette posture peut représenter un défi intéressant à relever, dans lequel les deux joueurs ligotés par les pieds trouvent un intérêt réciproque à s'entraider.

§Les écoles s'y mettentMaints jeux de coopération s'intègrent idéalement aux leçons de gymnastique dispensées dans le cadre scolaire en proposant des versions non compétitives de la "balle brûlée", du "chat et la souris" ou de "la balle à deux camps". Dans la Broye vaudoise, ils sont en passe d'être introduits dans tous les établissements primaires du district Avenches (Vaud), parallèlement à des séances de sensibilisation à la non-violence: "On a récemment eu des problèmes avec des adolescents de 14-15 ans qui ont été déférés devant le Juge de Paix, explique Murielle Parisod, infirmière scolaire et enseignante à Avenches. A partir de là, on s'est demandé comment sensibiliser les plus jeunes. Les jeux de coopération nous ont un paru un bon moyen. Je les ai testés durant les leçons de gym. Ils sont faciles à mettre en pratique et appréciés des élèves. Tous les maîtres de sport du district vont être prochainement initiés à cette pratique".

Autres milieux friands de jeux de coopération, les camps de vacances, les ludothèques, les associations de quartier et de parents d'élèves. Tous ont en commun de s'employer à développer chez les jeunes une attitude coopérative leur permettant de résoudre les conflits par le respect et l'écoute mutuels plutôt que sur le modèle gagnant/perdant: "C'est de plus en plus nécessaire pour contrebalancer l'omniprésence de la compétition dans la société, remarque Flavio Santi, conservateur du musée suisse du jeu. Ces jeux sont sains. Ils transmettent des valeurs d'humilité, d'amitié et de compassion".