Abrogation de l’article constitutionnel sur les évêchés :Ruth Metzler veut effacer une injustice d’un autre âge

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Abrogation de l’article constitutionnel sur les évêchés :Ruth Metzler veut effacer une injustice d’un autre âge

7 mai 2001
Pour Ruth Metzler, la suppression de ce « vestige du Kulturkampf » est une question d’équité de traitement envers les catholiques
Résolue à mener campagne, la conseillère fédérale se dit convaincue que les questions religieuses doivent demeurer la compétence des cantons. Quant aux protestants, ils s’engagent dans un autre débat en réclamant un nouvel article sur les religions. La FEPS, estime Ruth Metzler, ne brandit d’ailleurs aucun argument convainquant contre cette suppression. Ruth Metzler se dit sereine. Pour la conseillère fédérale, pas de doute : dans cinq semaines, le peuple et les cantons supprimeront de la Constitution fédérale l’article sur les évêchés. « Nous n’avons pas effectué de sondages. Les médias non plus. Mais je demeure confiante. »

La responsable du Département de justice et police s’est montrée très engagée dans l’abrogation de ce qu’elle considère comme un vestige du « Kulturkampf ». Pourquoi se montrer si empressée de clore un débat qui dure depuis près de 130 ans ? « On discute autour de cet article depuis l’année de ma naissance. Et les interpellations parlementaires ont vu jour dès les premières velléités de révision de la Constitution. Aujourd’hui, le conseil national et le conseil des Etats ont donné un signe clair en vue de sa disparition. Et l’ensemble du gouvernement est du même avis. Il se trouve simplement que c’est mon Département qui est compétent en la matière. »

Autant dire que la conseillère fédérale hésite entre amusement et agacement lorsque d’aucuns mettent en cause son affiliation catholique. « Certains prétendent même que je devrais abandonner le dossier pour cette raison. C’est absurde. Encore une fois, le message ne vient pas de moi, mais des Chambres et du Conseil fédéral qui, je le rappelle, n’est pas à majorité catholique. Si le non l’emporte, ma déception ne sera pas personnelle. Je trouverais dommage que notre société moderne se montre incapable de tourner cette page. »

§ModernitéModernité. Le mot est lâché. L’un des principaux arguments pour biffer cet ultime « article d’exception » limitant la liberté religieuse consiste à la désigner comme obsolète. « Le monde a changé. Un tel article n’a plus rien à faire dans notre Constitution. Celle-ci assure la liberté d’organisation des communautés religieuses. La restriction sur les évêchés contredit de manière évidente ce principe. Sans compter qu’il apparaît contraire au droit international. »

Pour Ruth Metzler, les tensions confessionnelles appartiennent au passé et les différentes communautés ont appris à cohabiter. « De toute manière, Confédération et cantons assurent la paix confessionnelle. Et ce devoir demeurera quoiqu’il arrive. » Certes, la responsable du Département de justice et police comprend que l’on évoque la supériorité de l’Eglise catholique grâce au pouvoir temporel dont jouit le Vatican en tant qu’Etat. « Mais cette situation dépend du contexte international et non de notre pays. En tant que Conseillère fédérale, mon partenaire est la Conférence des évêques suisses. Pas le nonce. D'ailleurs, l'Etat du Vatican ne s'occupe pas de l'érection des évêchés: cela demeure de la seule compétence du Pape en tant que chef spirituel.»

§Affaires internes aux Eglises Bref, il s’agit d’effacer une injustice d’un autre âge. Avec comme seule conséquence le rétablissement d’une égalité de traitement pour le Saint-Siège en accord avec les lois suisses comme avec le paysage confessionnel actuel. « J’entends dire que les catholiques auront le champ libre, par exemple pour créer un évêché à Genève. Que la Confédération ne pourrait plus d’y opposer. Mais ceux qui pensent que cet article permet d’exercer un contrôle sur les catholiques se trompent. Cantons ou Confédération ne peuvent s'opposer à l'érection ou la modification territoriale d'un évêché que si l'ordre public ou la paix religieuse se trouve gravement menacé. Jamais la Conseil fédéral ne se mêlerait de l’organisation interne de l’église. Les évêchés naissent toujours par le biais d’un concordat. Et il n’y a pas de raison que cela change. »

Et si, au lendemain de la votation, l’éventualité de voir apparaître un évêché dans la cité de Calvin se faisait effectivement jour ? « Je demanderais si le canton de Genève a déjà été mis au courant. Mais je ne vois actuellement aucun signe en ce sens. De toute manière, la question des églises demeure de compétence cantonale. Notre fédéralisme implique que Berne s’occupe uniquement des objets dont les cantons ne peuvent se charger. Chaque région a sa sensibilité. Le débat autour de cette thématique doit exister à l’intérieur de la société. Ce n’est pas au Conseil fédéral d’expliquer quoi penser. En revanche, la Confédération participera toujours aux négociations et à la conclusion d'un concordat sur la création d'un évêché.»

Ruth Metzler ne manque d’ailleurs pas de rappeler que la Fédération des églises protestantes (FEPS) laisse la liberté de vote. Pour elle, en évoquant la possibilité d’un article sur les religions, les protestants s’engagent dans un autre débat. « Ils ne donnent pas d’argument pour le maintien de l’article sur les évêchés. Personnellement, je vois mal comment on pourrait organiser une palette si vaste de vœux, émanant des différentes communautés. Mais si les églises le veulent, à elles de faire des propositions. Cependant, une chose est sûre : si nous ne parvenons pas à supprimer l’article sur les évêchés, nous n’arriverons jamais à parler d’un nouvel article sur les religions ! »