Christianisme et islam face à la démocratie

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Christianisme et islam face à la démocratie

15 novembre 2001
Comment articuler le religieux et le politique aujourd’hui ? Au lendemain ses attentat du 11 septembre, la question redevient terriblement actuelle
Le théologien caholique Jacques Rollet, professeur de science politique à l’université de Rouen, en propose une analyse éclairante dans un récent ouvrage, "Religion et politique". Il y questionne le christianisme et l’islam pour comprendre comment ces religions s’ajustent au respect des droits de l’individu et à la démocratie qu’exige la modernité occidentale. Notes de lecture. L’auteur rappelle que la foi juive mais aussi chrétienne, prend son origine dans l’expérience qu’a faite un peuple d’une libération. Le rapport entre le religieux et le politique constitue la trame même de l’histoire du peuple d’Israël. La pensée biblique de l’Ancien Testament oriente vers une priorité de la liberté sur la nature, affirme une dimension sociale, combat les inégalités et dénonce l’injustice. Les prophètes y développent le thème de l’Alliance nouvelle que Dieu a faite avec son peuple, ce qui suppose une transformation de l’homme en son être le plus profond.

Dans le Nouveau Testament, Jésus concrétise la volonté divine de voir les hommes vivre pleinement, en les libérant du mal qui les habite. Il affirme la priorité du service de l’autre comme juste interprétation du service de Dieu. Sa mort est le résultat du processus de libération qu’il a voulu réaliser en annonçant la liberté qui vient de Dieu.

§Le religieux au-dessus du politiqueLe Coran, loi de Dieu qui rompt avec le passé polythéiste de l’Arabie, regroupe 14 sourates (chapitres) et préceptes religieux et juridiques transmis à Mahomet par Allah. Il est la source du dogme et de la prière mais aussi le code juridique et l’autorité à laquelle se réfère chaque musulman. Le religieux et le juridique, la mystique et les dispositions pratiques y sont totalement imbriquées.

Au cours de l’histoire musulmane apparaît un courant intégriste qui vise à rétablir l’intégrité et l’intégralité de la loi de Dieu et insiste sur le recours à Dieu en toute circonstance.

Aujourd'hui,pour les fondamentalistes comme pour les réformistes, le religieux se situe toujours au-dessus du politique. Force est de constater que la démocratie politique n’a de fait jamais existé en terme d’islam et les droits de l’homme comme droits de l’individu n’ont jamais été reconnus, quand bien même une Déclaration islamique universelle a été rédigée en 1981 à Paris. Jacques Rollet y relève que le principe d’égalité de tous y est bien inscrit mais il est ajouté que la femme continue d’hériter conformément à la Loi « selon laquelle elle ne reçoit pas une part égale à celle de l’homme ». La liberté de croyance y est proclamée, mais accompagnée de la peine de mort pour apostasie. Et l’auteur rappelle qu’en islam, la liberté individuelle est minimisée au profit de l’égalité communautaire, que le droit public et droit pénal n’y ont aucun sens. La Cité de Dieu musulmane s’inscrit en faux contre la vision occidentale du progrès.

§Le choc de deux visionsL’auteur souligne la différence fondamentale entre le christianisme et l’islam. Dans le premier cas, la claire distinction de la transcendance divine d’avec l’ordre de la création permet de ne pas confondre le pouvoir politique et l’autorité divine, d’autant plus que l’incarnation sous la figure du Christ empêche cette autorité divine d’être conçue sur le mode des pouvoirs humains. S’il a contribué du plus profond de sa logique interne à la sécularisation de la société, c’est parce qu’il n’est pas fondamentalement une religion mais une foi. L’Evangile ne parle que des rapports généraux des hommes avec Dieu et entre eux. Hors de là, il n’enseigne rien et n’oblige à rien croire. Cette distinction entre le ciel et la terre est à la base des démocraties modernes.

L’islam contemporain diverge profondément dans sa manière de comprendre la vie, d’articuler la relation à soi-même d’une part, aux autres et à la communauté humaine. Le monde islamique privilégie la communauté des croyants à la vie personnelle de l’individu et n’est pas prêt à accepter la séparation des pouvoirs religieux et politique.

§Jacques Rollet, « Religion et politique , le christianisme, l’Islam, la démocratie, éd. Grasset, octobre 2001, 226 pp.