Violence des jeunes: des passerelles à reconstruire

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Violence des jeunes: des passerelles à reconstruire

18 janvier 2002
Pour Didier Chappuis, toutes les initiatives pour maintenir le lien social sont bonnes à prendre
Cet assistant social genevois intervient là où le mal de vivre des adolescents fait peur et inquiète. Avec ses collègues du « Point », il tente d’associer la collectivité à la recherche de solutions adaptées et parvient parfois à recréer un dialogue entre les générations. Rencontre, en marge du forum organisé dimanche dernier par les Eglises chrétiennes de Genève.Pour Didier Chappuis, l’enfer ce n’est pas l’autre mais bien son absence. Dimanche, ce assistant social genevois figurait parmi les invités du forum organisé par les Eglises chrétiennes (lire encadré). Après plus de 25 ans de terrain, il s’en dit convaincu : l’un des dangers de la violence qui se dégage d’une partie de la jeunesse demeure son propre isolement. « A Onex, à Bernex, au Petit Lancy, il y a des parcs et des places où les adultes ne vont plus par peur des groupes d’ados qui s’y retrouvent. Plus personne n’ose le dialogue et c’est dramatique. Notre première action consiste à aider les plus âgés à réinvestir ces lieux, à intégrer les adolescents dans leurs activités. »

Ancien éducateur de rue, Didier Chappuis porte aujourd’hui le titre de consultant en développement collectif et en gestion de crise. Il travaille au « Point », petite équipe rattachée au Département de l’instruction public du canton. Crée en 1977 à Genève, cette structure n’a pas de réel équivalent en Suisse romande. Son but est de tisser des liens, de reconstruire des passerelles. Entre les générations, mais aussi parmi la diversité des personnes, professionnelles ou non, concernées par le problème de la violence des jeunes. « Au fil des années, ces questions sont devenues plus complexes. Les demandes des jeunes ont changé, leurs besoins aussi et il faut mettre les acteurs sociaux en réseau pour trouver des réponses », explique-t-il dans son bureau du quartier de Rive.

§Chercher une solution communeEcoles, communes, associations de quartier s’adressent au Point lorsqu’ils se sentent confrontés à une situation qui les dépasse. « Nous commençons par leur avouer que nous n’avons pas de solution miracle. Et que s’il en existe une, c’est à l’ensemble des personnes concernées de les chercher avec nous. » Le Point propose alors un « diagnostic participatif » qui commence par une période d’observation durant 6 mois ou une année, puis par l’élaboration d’un diagnostic et la proposition de perspectives pour améliorer les choses. « L’idée de base demeure que la collectivité doit trouver les moyens de surmonter une ambiance pourrie. Que ceux-ci ne peuvent être que le fruit d’une réflexion d’ensemble. »

Didier Chappuis ne le nie pas. Certaines formes de violence comme l’incivilité, le vandalisme ou l’absence de respect d’autrui gagnent du terrain et touchent surtout des populations de plus en plus jeunes. « Quelques cas d’agression ou de racket, et il n’en faut pas davantage pour créer un climat violent que l’on rencontre déjà à l’école primaire. Voilà peut-être ce qui a changé. » Pourtant pour lui et ses collègues, le sentiment d’insécurité repose rarement sur des faits avérés. « Les groupes d’adolescents dégagent une impression de violence plus qu’ils ne le sont en réalité. On constate plutôt leur besoin de parler, de confier leur inquiétude de l’avenir. » Il y a 4 ans, la mairie de Carouge avait appelé le Point au secours parce qu’elle était assaillie de lettres et de téléphones apeurés d’habitants. Le bilan de deux ans de surveillance ne réunit qu’un nombre limités d’actes véritablement violents.

§Habiter à Marseille sans connaître la merLa violence change, devient multiculturelle et ethnique avec le phénomène d’affrontement entre bandes à l’américaine. Bien sûr, Genève n’est pas New York ou même certaines cités voisines et le bandana noué autour de la tête ne fait pas le criminel. Bref, « ce n’est pas parce qu’on porte un couteau que l’on va s’en servir. Mais tout cela engendre l’inquiétude et la défiance. » L’éducateur estime donc que toutes les initiatives - lorsqu’elles n’émanent pas de sectes dangereuses - pouvant contribuer à maintenir un lien social en déliquescence paraissent bonnes à prendre.

Faire renaître le dialogue, amener les générations à se parler, à se voir autrement demeure l’une de ses préoccupations majeures. « Je crois que la majorité des adolescents vivent mal un monde difficile, à plusieurs vitesses, où ils craignent d’être laissés pour compte. Le pire serait d’arriver à des situations de ghettos comme dans certaines banlieues. J’ai rencontré des petits Marseillais qui n’avaient jamais vu la mer. Ici, malgré un système médico-social très développé, certains jeunes restent sur le carreau. Dans ce contexte, toutes les forces disponibles doivent être utilisées pour intervenir avant que certains jeunes deviennent irrécupérables. Et les Eglises ont aussi leur rôle à jouer dans cet effort commun. »