Finances en péril : les Eglises romandes limitent les dégâts

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Finances en péril : les Eglises romandes limitent les dégâts

24 janvier 2002
Alors que Genève a sonné l’alarme pour cause de changement de régime fiscal cantonal, les autres cantons francophones font ce qu’ils peuvent pour boucler leurs comptes et ne pas abandonner une partie de leurs missions
Mais partout, on constate que la récolte de fonds devient de plus en plus ardue. Petit passage en revue, en attendant qu’un flagrant déficit d’image se voit comblé par une profonde remise en question. Les Eglises protestantes ont-elles mal à leur porte-monnaie ? La semaine dernière, une annonce alarmiste en provenance du bout du lac a alerté les médias. L’Eglise genevoise (EPG) venait en effet de constater un important manque à gagner durant les deux derniers mois de 2001, soit un trou de près de trois millions de francs.

En cause, le changement de législation fiscale, avec le passage à une taxation sur l’année en cours pour 2002. Conséquence inattendue de cette évolution prévue pour cette année, les contribuables n’ont pas reçu en novembre dernier l’habituel bordereau d’impôt. « Or c’est sur ce document que chaque personne de confession réformée trouve le montant de sa contribution ecclésiastique facultative », explique le chargé d’information John Grinling. L’EPG n’a ainsi reçu qu’un million de francs, soit quatre fois moins que prévu. Sur un budget annuel d’environ 16 millions, dont une partie importante sert à financer le travail de 120 ministres, la perte ne laisse pas indifférent. « Aucune taxation ne sera perçue avant une dizaine de mois, 2002 étant considérée comme une année blanche. Il faut donc des solutions pour trouver d’ici là de quoi poursuivre nos activités », souligne John Grinling. Ainsi, les 64’000 membres de la communauté protestante du canton prendront bientôt connaissance d’une lettre qui leur explique la situation et les encourage à soutenir leur communauté.

Cet appel à la générosité publique n’empêchera pas le prochain budget de se voir revu à la baisse. John Grinling : « Nous aimerions éviter d’entrer dans la dynamique négative avec un ajustement des services et des activités en fonction des finances. Mais durant la dernière décennie, nous enregistrons une diminution sensible du nombre de contribuables volontaires. Même si les rentrées demeurent plus ou moins stables, cette tendance nous inquiète. »

§Ne pas entrer dans une spirale négativeEt que se passe-t-il dans les autres cantons ? De manière générale, catholiques et protestants enregistrent une relative défection de la part de celles et ceux qui s’en disent pourtant membres. La chute du nombre de personnes prêtes à mettre la main à la poche rejoint l’absence de participations aux cultes et autres activités paroissiales. Le siècle à la consommation plutôt qu’à l’engagement et les Eglises n’échappent pas à cette tendance. Pourtant, il semble que les cantons soient pour l’instant parvenus à limiter les dégâts.

Avec ses 319 ministres en activité, l’Eglise réformée vaudoise (EERV) fait figure de poids lourd romand. De privilégiée aussi, puisque le canton finance la très grande partie des postes de pasteurs et diacres, selon une grille de salaires que peuvent envier leurs collègues romands. Pour la portion congrue restante, soit environ 3,3 millions, « nous avons pour l’instant reçu environ 85% de la somme escomptée pour 2001 », précise le chancelier Claude Cuendet. La récolte de fonds s’avère de plus en plus difficile, et passe aujourd’hui par trois campagnes annuelles de sensibilisation. Avec un déficit en augmentation (500'000 francs prévus pour cette année), l’EERV se voit contrainte aux économies dans ses frais de fonctionnement. Et certains projets passeront également à la trappe.

§Neuchâtel : la manne de l’EtatA Neuchâtel, 85% des 10 millions de francs annuels du budget proviennent de la contribution ecclésiastique volontaire. Ici comme ailleurs, on constate l’érosion démographique du protestantisme. Pourtant, une enveloppe étatique revue à la hausse et des dons inattendus permettent « de ne pas abandonner certains secteurs d’activité pour des raisons d’argent », selon Michel Vuillomenet. L’attaché de presse de l’Eglise réformée neuchâteloise (EREN) tire cependant le constat que « si beaucoup tiennent à la présence des Eglises, ils sont moins nombreux à accepter de la financer. »

La petite communauté réformée de Fribourg bénéficie aussi d’une relative sécurité puisque sa bonne marche est assurée par une portion de la taxation obligatoire. Selon Daniel Roche, président du Conseil synodal, ce système ne devrait pas être remis en question par la Constituante qui vient de démarrer. En revanche, l’impôt sur les personnes morales, qui assure 10% des revenus de la communauté, pourrait bien être remis en question.

Les Eglises réformes de Suisse romande parviennent donc pour l’heure à maintenir peu ou prou leur équilibre financier sans sacrifier d’importants aspects de leurs missions. Pourtant, beaucoup appellent de leurs vœux un processus introspectif. John Grinling : « Nous souffrons d’un important déficit d’image auprès de la population. A part les personnes impliquées dans les paroisses, beaucoup ignorent l’étendue de nos activités. Il faudra sans doute engager une profonde remise en question de notre politique de communication et de la manière dont nous nous rendons visibles dans la société. »