La résurrection, maillon faible du christianisme ?Tour d’horizon de différents points de vue

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

La résurrection, maillon faible du christianisme ?Tour d’horizon de différents points de vue

22 mars 2002
La résurrection de Jésus est au cœur du message chrétien
Avec elle, l'édifice est cohérent, sans elle tout s'effondre. Et pourtant aujourd'hui, la résurrection apparaît comme le maillon faible du christianisme. Elle est en bute à différentes critiques: celles des religions, celles des scientifiques et celles des psychologues. Tour d'horizon de ces critiques avec Henri Blocher, professeur de théologie en région parisienne.§La critique de la résurrection dans l'islamPour la foi musulmane ordinaire, Jésus de Nazareth, Issa dans le Coran, n'est tout simplement pas mort sur une croix. Dieu l'a soustrait à ce supplice et lui a substitué quelqu'un qui serait mort à sa place. "Certes, c'est là l'opinion la plus répandue dans le monde musulman, mais l'interprétation du passage du Coran relatif à la mort de Jésus est discutée, commente Henri Blocher. Selon ce texte coranique, l'envoyé de Dieu, Jésus, n'a qu'en apparence été vaincu par les hommes. En réalité, Dieu n'a pas abandonné son messager ni laissé la victoire au mal. Jésus est-il mort? "Cela leur est apparu ainsi" dit le verset. On peut comprendre qu'il n'est pas mort d'une mort définitive." Une telle interprétation pourrait ainsi s'accorder avec la compréhension chrétienne de la résurrection, même si la majorité des musulmans y est réfractaire. "Sur le fond toutefois, ajoute Henri Blocher, l'islam n'a pas compris le message de pardon que déploie la mort de Jésus, une dimension essentielle à la foi chrétienne."

§Cadavre subtilisé?La critique du judaïsme à l'endroit de la résurrection remonte au Nouveau Testament déjà. L'évangile de Matthieu relate que certains juifs ont vu dans la disparition du corps de Jésus une malveillance des chrétiens. Ils seraient parvenus à le subtiliser. "Dans le livre des Actes des Apôtres, il faut se rappeler que l'on n'entend jamais dans la bouche des juifs le reproche du vol du corps, détaille Henri Blocher. De plus, jamais les juifs ne font le moindre effort pour présenter un cadavre et dire que ce serait celui de Jésus." En fait il aurait suffi qu'ils le fassent de façon crédible pour que cela mette un terme à l'essor du christianisme. "Le vol du corps a été, à un moment donné, une tentative par un certain judaïsme d'expliquer la réalité du tombeau vide, mais cette explication n'a pas fait véritablement école." Pour preuve: certains spécialistes juifs actuels du Nouveau Testament comme Shalom Ben Chorin sont allés jusqu'à envisager l'hypothèse historique de la résurrection sans pour autant souscrire à la foi chrétienne. "Là aussi, la situation est parfois plus mouvante que les images toutes faites que l'on pourrait façonner."

§Osiris, Tammouz, Jésus… même combat?Certains spécialistes des religions assimilent la résurrection de Jésus aux résurrections de divinités de l'Antiquité. Ainsi des divinités comme Osiris, l'Egyptien, Tammouz, le Babylonien, ou Attis, le Phrygien connaissent la résurrection. "Les ressemblances, explique Henri Blocher, pâlissent devant les dissemblances, comme les étoiles pâlissent quand le soleil se lève. Ainsi pour Tammouz, il y a voyage dans le pays des morts, un voyage lié à l'arrivée de l'hiver et à la renaissance de la vie au printemps. Il n'y a pas à proprement parler de mort, mais une disparition." L'inscription dans le temps historique est aussi une différence fondamentale entre la résurrection de Jésus et les résurrections de ces divinités antiques. "Ces renaissances se situent dans une sorte de temps au-delà du temps, déconnecté de l'expérience quotidienne. Alors que la résurrection de Jésus intervient comme un fait inscrit dans un temps historique et dans un lieu déterminé."

La résurrection face aux critiques scientifiques

Certains scientifiques ne ménagent pas non plus leurs critiques à l'endroit de la résurrection. "On n'a jamais vu un cadavre revenir du trépas. Cette affirmation ne correspond à rien de reproductible dans notre univers d'expérience, la résurrection est donc dénuée de tout fondement!" Henri Blocher ne se laisse pas démonter par cette objection. "Dans les conditions de notre vie présente, à coup sûr pas de résurrection, constate Henri Blocher. Mais s'il y a un Dieu créateur, c'est le minimum que de lui accorder la possibilité de dépasser les limites que nous constatons dans notre vie quotidienne." Le comment de la résurrection demeure certes un mystère, mais nous n'avons pas lieu de refuser notre confiance à l'authenticité de l'événement.

§Et si cela n'était que de l'autosuggestion?La résurrection de Jésus est aussi assimilée parfois à un phénomène d'autosuggestion ou d'hallucination collective. "A mon sens, rétorque Henri Blocher, cette hypothèse ne dispose d'aucun appui dans les données que nous livrent les écrits du Nouveau Testament." D'après ces témoignages, les disciples ont résisté très fortement à l'évidence des premières apparitions. Il a fallu que Jésus témoigne de manière réitérée de son identité. Il a fallu qu'il se fasse reconnaître par des gestes et des paroles particuliers pour que ses amis admettent que c'était bien lui. "C'est donc tout le contraire de l'autosuggestion ». Au plan psychologique, on ne parvient pas à expliquer le revirement de toute une communauté de disciples uniquement par l'autosuggestion. Et ce d'autant plus que le Ressuscité s'est manifesté à des groupes comme à des individus. "En fait, on ne réussit pas à sortir de l'alternative entre d'un côté un faux témoignage et, de l'autre, l'affirmation de la résurrection telle que la tradition chrétienne l'a mise en avant."

Pour Henri Blocher, la valeur des témoignages historiques autour de la résurrection confère à cet événement une dimension de véritable information à transmettre. "Le message chrétien n'est donc ni d'abord une morale, ni d'abord une religion, martèle-t-il. Mais avant tout une nouvelle: Dieu a agi dans la mort de Jésus! Et c'est à cela que s'accroche l'originalité du christianisme par rapport à toutes les religions et par rapport à toutes les sagesses!"