Les femmes inégales jusque dans la mort

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Les femmes inégales jusque dans la mort

26 avril 2002
"Quand un homme meurt, il se change en jaguar. Quand une femme disparaît, elle s’en va avec l’orage »
Que ce soit dans une tribu amazonienne ou en France, l’inégalité des femmes subsiste face au sacré et à la mort. Nicole-Claude Mathieu, anthropologue à l’Ecole des Hautes Etudes en sciences sociales de Paris, l’a démontré à l’aide de quelques exemples dans le cadre du cours public de la Faculté de théologie de l’Université de Lausanne intitulé « Hommes-femmes : peut-on sortir de la domination ? » Les femmes sont bannies des cérémonies les plus sacrées dans bien des sociétés et elles sont rendues invisibles dans la mort. L’anthropologue française Nicole-Claude Mathieu n’a pas eu besoin d’aller chercher très loin un exemple pour montrer que cette discrimination jusque dans la mort est réelle. Elle l’a cueilli sur les murs de Paris sous forme d’une affiche appelant à une action solidaire pour soutenir les malades du sida. Y figure une liste des gens touchés par la maladie mortelle parmi lesquels ne figurent ni les femmes ni les épouses, mais…les maîtresses ! A croire que le sida ne tue pas les femmes. Dans les pays en voie de développement, elles sont même bien plus touchées que les hommes. En Afrique, on les montre du doigt comme étant celles par qui le mal arrive. Or la transmission se fait beaucoup plus fréquemment par les hommes. Cette constatation scientifique est soigneusement occultée.

Pour dresser son état des lieux de la discrimination face au sacré et à la mort, l’anthropologue parisienne a prudemment écarté les inégalités pratiquées dans les trois monothéismes -judaïsme, christianisme et islam - se contentant de les relever dans des sociétés lointaines.

§Excision-circoncision Elle a pris en exemple la cosmologie des Dogons, un peuple africain qui a imaginé que ce sont des jumeaux androgynes qui sont à l’origine du monde. Pour bien différencier garçons et filles à la naissance, débarrasser les garçons de leur féminité et les filles de leur part masculine, ils ont coutume d’enlever aux garçons leur prépuce et aux filles leur clitoris. Le symbolisme est apparemment égalitaire, mais dans les faits, la circoncision n’a naturellement pas les mêmes conséquences que l’excision. Une légende vient appuyer cette pratique : elle raconte que Dieu a voulu s’unir à la terre mais que la termitière (comprenez le clitoris) en barrait le passage. Dieu dut abattre la termitière rebelle pour pénétrer la terre.

L’anthropologue rappela que la construction sociale de l’inégalité des sexes dans les pays en voie de développement s’appuie sur le contrôle de la sexualité et de la fertilité des femmes, sur un moindre accès à la connaissance, sur un travail matériel considérable, bien plus important que celui des hommes, assorti d’un revenu dérisoire, qui maintient les femmes dans la dépendance – et souvent la misère - et est censé les empêcher de penser. L’analyse ne vaut pas seulement pour le tiers-monde, mais l’anthropologue, prise à partie en tant que féministe par un participant, n’insista pas. A chacune et chacun de mener ses propres constatations.