Premier Congrès national sur le suicide:Briser le silence pour arrêter l'hécatombe

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Premier Congrès national sur le suicide:Briser le silence pour arrêter l'hécatombe

8 mai 2002
Chaque jour en Suisse, 4 personnes se donnent la mort
Le suicide fait tout particulièrement des ravages parmi les jeunes. Il s’agit même de la première cause de mortalité chez les 15-24 ans. Le premier Congrès national sur le suicide qui a réuni plus de 600 personnes à Berne les 7 et 8 mai, a insisté sur la nécessité de mettre enfin sur pied une prévention qui implique tous les secteurs de la société, mais a aussi rappelé l’importance d’un soutien des proches blessés par le décès d’un des leurs. « Choisir la mort, c’est faire porter un terrible fardeau aux autres, et cela parfois sur plusieurs générations ; c’est condamner les siens à un deuil marqué par la culpabilité et la colère ». Cosette Odier, pasteure et formatrice en éducation pastorale au Centre Hospitalier Universitaire (CHUV) à Lausanne, a rappelé lors du Congrès de Berne initié par la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), que le suicide affecte en fait toute une famille à vie.

Selon les estimations d’Ebo Aebischer, qui accompagne sur le Net des gens touchés par la mort volontaire d’un des leurs, 140'000 personnes en Suisse sont concernées par le suicide. Offrir un soutien à la famille confrontée à un suicide, faire un cheminement spirituel avec ceux qu’il appelle les « survivants », lui paraît aussi important que de faire de la prévention. On a trop souvent oublié d’accompagner les proches dans leur difficile deuil, se contentant de les entourer de silence. Or ils ont besoin d’un soutien pour surmonter leur détresse. Un soutien de l’entourage direct peut permettre d’éviter que l’histoire ne se répète à la génération suivante. Pour l’aumônier de la Toile, il faut que les gens puissent dire leurs souffrances, se sentir entendus et compris, afin q’ils osent reconnaître leur colère au-delà de leur souffrance et leur désarroi, pour savoir qu’en faire ;il est important de les aider à faire tout un cheminement pour « renaître », plutôt que d’être dévoré de culpabilité.

§Culpabilité et responsabilité « Il ne faut pas confondre culpabilité et responsabilité » analyse Cosette Odier, qui a choisi de se sentir responsable de la détresse qui a poussé une personne à mettre fin à ses jours, mais pas coupable. La nuance est capitale.

Briser le silence, oser aborder la problématique du suicide, est une des mesures de prévention qu’il faut mener à l’école déjà, estime pour sa part le psychologue Reinhard Egg, qui a mis sur pied un programme approprié d’enseignement et d’intervention rapide lorsqu’un tel drame touche une école. « Il faut absolument donner aux élèves et aux enseignants la possibilité de parler de ce qui est arrivé à l’un des leurs ».

Rien ne doit être négligé pour tenter de reconnaître les signes avant-coureurs d’une souffrance secrète, qui peut devenir trop intolérable et déboucher sur un suicide, considéré comme seul échappatoire.

« Le suicide est un acte qui découle d’une histoire de vie plutôt qu’une maladie », précise Konrad Michel, psychiatre. Il est souvent lié à l’image décevante qu’on a de soi, au sentiment d’avoir perdu son unité intérieure, de se sentir comme un être « dissocié ».

§Tisser des liensComment accéder aux jeunes en difficulté, qui refusent en général de communiquer et ne veulent pas entrer dans une thérapie ? Pour Maja Perret- Catipovic, médecin au Centre d’étude et de prévention du suicide Genève, il faut chercher à tout prix à créer ou à entretenir un lien avec le jeune par l'intermédiaire des personnes qui ont une relation avec lui. Ce qui a amené le Centre de prévention à apporter un soutien concret à ceux qui sont en contact avec lui, parent, ami, voisin. Cette aide indirecte est à son avis la plus efficace. « Nous mettons nos compétences au service de son entourage naturel, nous renforçons ses ressources afin de tisser un filet de sécurité autour du jeune, l’aider à résister aux chocs,l’amener à découvrir un sens et une cohérence à sa vie. Les jeunes qui ont fait une tentative de suicide et ont été pris en charge de façon intensive pendant un séjour hospitalier d’une quinzaine de jours, constate le Dr Maja Perret-Catipovic, acceptent par la suite plus volontiers de suivre une thérapie à long terme. La doctoresse déplore par ailleurs que les parents sous-estiment leurs capacités, persuadés de toujours faire faux. Elle les encourage à avoir plus confiance en eux et à oser ces gestes spontanés qui parfois rétablissent un contact. Et permettent d’éviter le pire.