Votations du 2 juin 2002:Femmes enceintes en difficulté : mais où est donc passée l’aide publique ?

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Votations du 2 juin 2002:Femmes enceintes en difficulté : mais où est donc passée l’aide publique ?

27 mai 2002
Dans le débat sur les votations du 2 juin, on parle peu des femmes enceintes en difficulté et de ce qui est mis en place pour leur venir en aide
Pas d’allocation de maternité dans la moitié des cantons romands. Pas d’aide publique aux associations privées soucieuses de ces femmes. Pas d’assurance maternité. La Suisse apparaît comme un pays sinistré dans l’aide à la petite enfance. Une cause qui devrait rassembler après le 2 juin les acteurs sociaux impliqués sur le terrain de cette aide, qu’ils soient partisans ou adversaires du régime du délai.« En Suisse, il n’y a qu’une reconnaissance sociale extrêmement faible de la maternité ! » Madeleine Denisart est assistante sociale à Profa, un réseau de centres de consultations conjugales dans le canton de Vaud et elle ne décolère pas : « Chez nous, il n’y a pas d’environnement favorable à la venue au monde d’un enfant ! »

Dans le cadre de Profa, cette partisane du libre choix en matière d’avortement consacre une partie de son activité professionnelle à mettre en place des montages financiers souvent très aléatoires. Ils permettront à des femmes enceintes, qu’elles soient ou non en difficulté du point de vue pécuniaire, de traverser au mieux la période de l’accouchement.

Dernièrement, Madeleine Denisart s’est lancée dans un véritable exercice d’équilibrisme financier pour Viviane, une secrétaire de 36 ans, qui a découvert sa grossesse alors qu’elle se séparait de son ami après 11 ans de vie commune. Viviane avait travaillé trois ans chez le même employeur avec 3000 francs net par mois. Son patron n’avait pas contracté d’assurance maternité. Cependant, après son accouchement, Viviane a pu bénéficier d’un congé maternité de 8 semaines, payé par son entreprise. Pour permettre à cette secrétaire de bénéficier d’un congé maternité de 16 semaines – un temps que garantit à toutes les femmes la loi fédérale sur le travail sans en donner les moyens financiers -, Madeleine Denisart a sollicité l’allocation de maternité propre au canton de Vaud. A cause de la faiblesse des revenus de Viviane, l’assistante sociale de Profa a pu obtenir 2'145 francs pendant 8 autres semaines, soit la somme maximale que le canton de Vaud alloue à des femmes enceintes à faible revenu. Grâce à divers fonds privés, comme l’Oeuvre séraphique de charité à Soleure ou le Fonds de soutien des femmes enceintes en difficulté de l’Eglise réformée vaudoise, l’assistante de Profa a pu décrocher quelques subsides supplémentaires. Ils ont permis à Viviane de traverser cette période avec le salaire qu’elle touchait avant son accouchement, soit environ 3'000 francs net par mois.

§A l’assistance publique à cause d’une grossesse« Nous devons réaliser, ajoute Madeleine Denisart, que, faute d’une reconnaissance suffisante de la maternité en Suisse aujourd’hui, certaines familles connaissent une situation encore plus difficile que celle de Viviane. A cause d’une grossesse, elles tombent même à l’assistance publique et s’endettent, puisque l’aide doit être remboursée.» Et l’assistante sociale de Profa de mentionner la situation d’une famille où la mère, durant sa grossesse, connaît rapidement des problèmes de santé. Les deux mois d’allocation auxquels elle a droit en cas de maladie à cause de son ancienneté dans l’entreprise, sont vite épuisés. Et l’argent vient à manquer pour assurer un revenu minimum à cette famille durant la grossesse et le temps de congé maternité.

§Fribourg : rien non plus pour la PasserelleDu côté de la Passerelle dans le canton de Fribourg, on déplore aussi le peu de soutien de l’Etat à l’endroit de la petite enfance. Maryline Tombet a la quarantaine alerte. Elle est sage-femme indépendante. Depuis une année et demie, elle accueille à son domicile, dans une villa mitoyenne de Riaz, des mamans qui viennent d’accoucher et qui connaissent des difficultés. « Nous rencontrons de plus en plus de jeunes mamans abandonnées par leurs conjoints durant leur grossesse », constate-t-elle. La Passerelle propose à ces mamans un endroit propice au repos après l’accouchement. Maryline Tombet peut alors épauler la maman dans les soins à donner au nouveau-né et l’encourager dans l’allaitement du bébé.

Les prestations offertes par la Passerelle ne bénéficient d’aucun soutien public. L’Etat de Fribourg a promis un soutien financier, mais ce soutien se fait attendre. Même l’assurance maladie ne prend rien en charge. De jeunes mamans, contraintes à rester couchées pendant une nouvelle grossesse, séjournent à la Passerelle avec leurs enfants, parce qu’elles ne peuvent être accueillies à l’hôpital en leur compagnie. Au bénéfice d’une ordonnance médicale, ces femmes n’obtiennent aucun remboursement de la Lamal, alors qu’un tel séjour, effectué en hôpital, coûterait 4 à 5 fois plus cher. Certaines mamans, déjà en difficultés financières, doivent encore payer cette somme de leur poche ! s’indigne Maryline Tombet. Et tout cela parce que nous ne sommes pas un établissement hospitalier affirme-t-on à Berne. »

« On a l’impression aujourd’hui que tout se ligue contre la femme enceinte ». Depuis 28 ans, Conrad Clément dirige SOS futures mamans, un réseau de solidarité pour femmes enceintes ou jeunes mamans en difficultés qui s’étend sur toute la Suisse romande. Ce grand-père de 60 ans fait le même constat que du côté de Profa ou de la Passerelle. « L’Etat ne prend que très peu de responsabilités à l’égard de la femme enceinte en difficulté. Par souci d’efficacité, les entreprises voient l’arrivée d’un enfant dans la vie d’une salariée comme un problème de plus à résoudre. Et les maris ou amis abandonnent de plus en plus leur conjointe à ce moment crucial de son existence.»

Au centre de SOS futures mamans à Fribourg, Conrad Clément accueille chaque semaine plus d’une centaine de femmes dans des locaux spacieux, mais spartiates du point de vue de l’aménagement. Ce grand-père joue tout de suite la carte de la chaleur et de l’amitié avec celles qui franchissent le seuil du centre. Pas de formulaires à remplir, foin des paperasseries et des prises de notes, mais une poignée de main ferme, une écoute attentive des difficultés que traverse la femme, la bise lorsque le contact est établi. Et bien sûr l’aide concrète : lait pour bébés, couches-culottes, habits, landau et argent si nécessaire. Le tout sans aucune subvention de l’Etat.

La clé pour encourager à mener la grossesse à terme ?

« Pour moins de 300 francs ici en Suisse, j’ai sauvé des centaines d’enfants qui auraient dû être avortés,» Conrad Clément n’y va pas par 4 chemins. Pour ce catholique engagé, le manque d’aide financière non remboursable pousse certaines femmes enceintes en difficulté à demander un avortement. Des exemples, le fondateur de SOS futures mamans n’en manque pas. Du côté de Profa dans le canton de Vaud, Madeleine Denisart ne partage pas cet avis. Pour elle, l’aide financière n’est jamais décisive. La femme enceinte fait toujours son choix indépendamment de l’aide proposée. « Cependant si un environnement social plus favorable à la venue de l’enfant était mis en place en Suisse, notamment grâce à une assurance maternité, nombre de familles auraient davantage d’enfants », remarque-t-elle.

Quoi qu’il en soit de l’impact de ce soutien financier, partisans et adversaires du régime du délai impliqués dans l’aide concrète se retrouveront après le 2 juin. Pour permettre un véritable choix libéré de contraintes économiques parfois dérisoires !