Enfants battus : une pratique qui a la vie dure

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Enfants battus : une pratique qui a la vie dure

15 juillet 2002
La violence de l’adulte sur l’enfant est un tabou: autant en Suisse – où les chiffres sont en augmentation- que dans les pays du Sud
Preuve en est l’enquête réalisée récemment au Cameroun sur les méfaits de la bastonnade, et qui a fait réagir l’UNICEF. Grâce à son appui, un programme d’éducation, proposé par un Suisse romand, a été mis en route depuis une année. Est-il possible de trouver une alternative à la violence pratiquée sur les enfants ? Témoignage et tentatives de réponses.Réalisée avec le soutien de l’UNICEF, une enquête menée au Cameroun montre que 9 enfants sur 10 subissent la bastonnade. Une violence éducative qui se pratique autant dans les écoles - 97 % des enseignants disent battre leurs élèves - que dans les familles - 83 % des parents battent leurs enfants -. Ces chiffres accablants ont conduit l’agence régionale de l’UNICEF à Abidjan à demander que des enquêtes semblables soient menées dans les 24 pays qu’elle chapeaute. À l’origine de ces recherches sur la maltraitance, il y a une petite ONG, du nom d’EMIDA, fondée il y a deux ans à Yaoundé, par un Vaudois, Gabriel Nicole. « J’étais venu en Afrique dans le cadre de la coopération, mais la réalité de la bastonnade exercée sur les enfants m’a éclaté au visage. Après une année de séjour, ayant assisté aux hurlements répétés des enfants frappés par leurs parents ou leurs grands frères lorsqu’ils se sont montrés désobéissants, Gabriel Nicole se dit qu’il est temps de faire quelque chose. Son expérience, acquise auprès des jeunes en difficulté accueillis durant des années dans son chalet de la région des Mosses (VD), lui laisse mesurer les conséquences désastreuses de tels traitements sur la personnalité de l’enfant. Installé à Yaoundé, il se met à rédiger sur son portable les bases qui le conduisent à créer le programme d’éducation familiale EMIDA, en collaboration avec un jeune psychologue camerounais.

§Des générations d'enfants soumis « Les corrections infligées aux enfants les font grandir dans la soumission et la passivité. Tout le reste de leurs activités et de leurs relations sociales sont conditionnées par ce système d’éducation. La société aussi souffre de cette banalisation de la violence» précise Gabriel Nicole. S’appuyant sur la Convention des Droits de l’enfan, adoptée par l’Assemblée générale de l’ONU en 89, sur les connaissances en matière de développement de l’enfant, sur l’amour annoncé par l’Evangile, l’action d’EMIDA privilégie l’effet de démultiplication : des formateurs issus des grandes écoles ou de milieux universitaires vont à leur tour former des animateurs locaux, responsables de groupe de jeunes. Futurs parents et jeunes couples constituent le public cible: ils sont encouragés à mettre en pratique une éducation respectueuse de la personnalité de l’enfant et un dialogue au sein de la famille. Des questions liées à la prévention du Sida sont également abordées.

L’été dernier, la formation a permis de toucher 900 jeunes; cette année, il est prévu de mener à terme 50 ateliers pour transmettre une approche renouvelée des relations entre parents et enfants. Ce travail à un prix : 200’000 francs sont nécessaires. En Suisse, l’association pro-Emida, présidée par François Couchepin, ancien chancelier de la Confédération, se charge de récolter les fonds.