"L'expérience de Dieu" selon Raymon Panikkar

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"L'expérience de Dieu" selon Raymon Panikkar

18 juillet 2002
Consciemment ou pas, tout homme a la foi inscrite dans son coeur
Chaque être humain possède la capacité de s’ouvrir à la transcendance, de « faire un bond vers ce qui n’est ni justifié par ses sens, ni prouvé par la raison ». Célèbre théologien catholique, Raymon Panikkar évoque dans « L’Expérience de Dieu » cette dimension supérieure et mystique de la vie qui rend l'homme pleinement vivant.L’homme ne peut pas comprendre l’inintelligible. Mais il peut en être conscient. Selon le célèbre théologien catholique Raimon Panikkar, chaque homme peut ainsi tenter « L’Expérience de Dieu », titre de son dernier ouvrage paru en français chez Albin Michel.

Les scolastiques disaient l’être humain « Capax Dei », capable de l’infini, de ce qui n’a pas de frontière. Et la foi se trouve inscrite dans le coeur, comme l’indique le mot « credo » et son équivalent sanscrit « shraddhâ ». Chacun a en lui de quoi s’ouvrir à la transcendance par « l’acte de foi, par lequel on bondit vers la troisième dimension, celle où tout l’être humain se réalise ». Il ne s’agit donc en rien d’un réflexe conditionné, mais bien d’un acte libre. La croyance est pour sa part l’articulation doctrinale émanant d’une communauté, expression symbolique plus ou moins cohérente de la foi. Celle-ci s’accompagne d’une institutionnalisation, dont le but est de faire transparaître l’expérience qui la fonde. « Cette expérience s’incarne dans un être humain, qui ne cesse de changer, de s’accomplir ».

§Comprendre la finitude pour s'ouvrir à l'au-delàPour Raimon Panikkar, la croyance en des dogmes - simples outils qui tentent de cerner le mystère - peut donc se perdre, pas la foi. L’auteur rappelle que dans la tradition chrétienne comme dans beaucoup d’autres, la seule chose que l’on peut savoir de Dieu est justement qu’il demeure mystérieux. « L’expérience de Dieu n’est pas celle d’un objet, c’est la contingence de vivre avec. Ce n’est pas l’expérience d’un ‘je suis’ mais d’un ‘nous sommes’. En langage chrétien, on l’appelle la Trinité ». Sous-jacente à toute expérience, l’expérience du divin coïncide avec la perception de notre finitude. Avec cette prise de conscience, nous percevons la possibilité d’un au-delà, de quelque chose qui dépasse nos limites. C’est la perplexité de Luther devant cet homme à la fois « juste et pécheur ». Accueillir Dieu, souligne l’auteur, nécessite que tout notre être soit unifié : « Nous devons être en harmonie avec nous-mêmes et avec l’univers pour parler à bon escient de ce qui est à la base de toute expérience humaine. (...) J’accède à Dieu si je ne m’arrête pas à moi-même. Dieu rompt ton isolement, il entre en toi. Et en même temps, il respecte ta solitude, il te permet d’être toi ».

Enfin et surtout, nous n’avons pas l’initiative. Il convient d’accepter Dieu, de s’ouvrir à lui. « C’est l’expérience de Dieu en moi et à travers moi » que je ressens soudain. Pour le chrétien cela passe par l’expérience de Jésus ressuscité ; du Christ vivant hier, aujourd’hui et toujours pour le dire avec l’apôtre Paul. « L’acte de foi actualise cette expérience de l’ineffable, qui se réalise pour les chrétiens en Christ et par lui ». A travers l’eucharistie, note Raimon Panikkar, le croyant devient l’espace d’un instant « pleinement lui-même dans la mesure où il participe au mystère du Fils ». Pour le théologien espagnol, celui qui n’a pas fait l’expérience d’être ressuscité par le Christ ne pourra pas comprendre vraiment la majorité des Ecritures, car le christianisme ne se présente en définitive pas comme une religion du Livre, mais comme parole vivante » entendue et perçue dans sa force transformatrice par ceux qui ont des oreilles pour entendre.