Genève autorise un cimetière musulman

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Genève autorise un cimetière musulman

19 juillet 2002
Dès l’automne, juifs et musulmans bénéficieront de concessions réservées à un ensevelissement selon leurs coutumes religieuses respectives
Après Berne, Genève devient la seconde ville de Suisse à écorner le principe de laïcité des lieux de sépulture. Vaud devrait suivre son exemple. La question des cimetières confessionnels fait débat partout en Suisse. La Ville de Genève vient ainsi de modifier son règlement municipal. Dès l’automne, les juifs et les musulmans, ayant été domiciliés sur le territoire communal, disposeront de deux carrés confessionnels de 3000 m2 chacun au cimetière Saint-George. Pour le conseiller administratif de la ville du bout du lac à l’origine du projet, Manuel Tornare, il s’agit d’équité en même temps que de logique : « Nous respectons les traditions lorsque les gens sont vivants, notamment en accueillant des mosquées et des synagogues. Pourquoi ne pas le faire après leur mort ? », a-t-il expliqué à l’Agence télégraphique suisse qui a annoncé la nouvelle la semaine dernière.

La Ville de Genève rejoint ainsi la France, où de tels espaces réservés aux membres d’une communauté religieuse particulière, existent déjà. En 1999, le canton avait de son côté refusé d’entrer en matière, réaffirmant le principe de laïcité des cimetières. On le sait, en Suisse, il y a longtemps que les deux communautés demandent de nouvelles concessions. Les 8'000 personnes de confession israélite dans le canton de Genève devaient jusqu’à maintenant se contenter d’un cimetière à Carouge, acquis avant que cette commune ne soit rattachée au canton, et d’un autre situé à la frontière avec la France. Pour les juifs non libéraux, la durée limitée des concessions (trois fois 33 ans) posera problème, puisque la religion israélite prescrit de ne pas toucher aux sépultures avant la venue du Messie.

§Ségrégation au cimetièreLa communauté musulmane compterait entre 20 et 30'000 personnes. Depuis 1978, elle possède deux carrés au Petit-Saconnex où les places font cruellement défaut. A Saint-George, environ 650 tombes seront orientées vers la Mecque (sud-est), conformément aux principes du Coran. La Ville a toutefois refusé que les corps soient mis en terre dans un linceul, comme le voudrait la tradition.

Il y a plusieurs années, une association fondée par des Suisses convertis à l’islam, avait envoyé des demandes d’obtention de cimetières réservés aux musulmans. Saint-George constitue pour eux un second motif de satisfaction après un exemple bernois. Selon le quotidien 24 heures, Vaud pourrait suivre les pas de son voisin, selon le souhait de la conseillère municipale lausannoise Doris Cohen-Dumani. Pour l’instant, alors que les Juifs ont leur cimetière à Prilly, les musulmans sont enterrés dans les cimetières municipaux.

Tout le monde n’est cependant pas d’accord sur le pourcentage de musulmans faisant rapatrier leur corps en terre d’Islam. Sami A. Aldeeb pense qu’ils constituent une majorité, contrairement au directeur de la Fondation culturelle islamique de Genève. Sami A. Aldeeb, responsable du droit arabe et musulman à l’Institut suisse de droit comparé lausannois, estime que le retour des carrés confessionnels correspond à celui de la ségrégation. Dans une recherche parue en début d’année, il note qu’avant la paix civile et religieuse de 1874 existaient en Suisse des cimetières catholiques et protestants, les uns refusant d’être ensevelis à côté des autres. En outre, Sami A. Aldeeb rappelle que la loi islamique interdit d’être enterré à côté des infidèles que sont tous les non-musulmans, chrétiens et juifs compris. « L’exigence de cimetières musulmans s’inscrit dans la ligne des auteurs musulmans qui demandent aux émigrés de leur communauté de ne pas se laisser intégrer dans la société mécréante ». Pour leur part, les Eglises chrétiennes appuient en général ces demandes au nom du respect de la liberté de culte.