Un victimologue étudie le dossier Jésus

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Un victimologue étudie le dossier Jésus

4 octobre 2002
Directeur de l’Institut de victimologie à Paris, le psychiatre Gérard Lopez a lu les Evangiles comme il écoute le récit d’un patient, au pied de la lettre, et tenté une analyse freudienne des processus symboliques qui structurent le récit de la vie de Jésus, dans un ouvrage qui vient de sortir, « Le non du fils »
Le Christ serait l'initiateur d'une religion de fils. Notes de lecture. « Il y a intérêt à ce qu’un seul homme meure pour le peuple ». Cette phrase de Caïphe, tirée de l’Evangile de Jean (18,14), illustre le bouc émissaire qu’a sans doute jété Jésus, en disant non au pouvoir patriarcal et en refusant de se plier aux diktats des tenants des traditions qui s’arc-boutaient sur les idéologies sacrificielles et une violence prétendument légitime. Jésus est un coupable idéal pour réconcilier le peuple sur son dos, contenir sa rancœur contre les envahisseurs romains, faire oublier les querelles religieuses et le mécontentement face au Temple. Pour Gérard Lopez, qui se livre à une analyse victimologique des pièces du dossier Jésus en utilisant les outils de la psychanalyse freudienne, - l’ inconscient ne vieillit pas et se moque des anachronismes - les idéologies sacrificielles sont destinées à nier la réalité et servent à justifier les processus de domination sociale mis en place par ceux qui s’arrogent le droitde parler au nom du Père.

Or Jésus conteste justement ce droit aux autorités religieuses de son temps. Son intériorisation d’un Dieu d’amour rend tout Temple inutile. Elle est aussi subversive que sa doctrine de non-violence qui s’en prend au stéréotype viril du patriarcat. Si Jésus ne s’oppose pas à son Père idéal, il ne ménage pas les représentants du Père sur la terre. Il veut libérer les fils de la contrainte des pères. Il lutte contre les pouvoirs constitués, les honneurs et les titres.

§Liberté d'esprit Sa prodigieuse liberté d’esprit heurte, son action contestataire est vécue comme déstabilisante et porteuse d’une violence extrême par ceux qui détiennent le pouvoir, les pères de famille, la classe politique et religieuse. Certains de ses contemporains veulent ne voir en lui qu’un illuminé voyageant avec une bande de vagabonds loqueteux et de femmes peu recommandables. Par-dessus le marché, il blasphème en reconnaissant être le fils de Dieu.

Pour Gérard Lopez, il est évident que Jésus meurt pour ne pas renier son enseignement ni être récupéré d'aucune manière par les pères. Car, fait-il remarquer, les idéologies sacrificielles conservatrices l’emportent (presque) toujours sur les critiques progressistes, soit par l’élimination pure et simple, soit par assimilation ou récupération. En initiant une religion des fils, Jésus a joué un bien mauvais tour aux pères.

§« Le non du fils, une expertise psychosociale des évangiles », Gérard Lopez, 193 pages, éd. Desclée de Brouwer.