De l'autoritarisme des pères au laxisme contemporain: Les protestants français planchent sur l’autorité

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De l'autoritarisme des pères au laxisme contemporain: Les protestants français planchent sur l’autorité

16 octobre 2002
L’autoritarisme a vécu, quel modèle de rechange proposer ? L’avenir est à une autorité fondée sur le consentement implicite à des règles collectives, la compétence et la cohérence
C’est ce qui ressort du forum sur l’autorité organisé à Paris par l’hebdomadaire Réforme, qui a fêté son 3000e numéro, pour chercher des réponses aux interrogations que suscite le laxisme contemporain et la montée de la violence.L’autorité fout le camp ? « Rien là de tragique! », estime le sociologue François Dubet, l’un des intervenants invités à la journée de réflexion sur l’autorité organisée à Paris par l’hebdomadaire français Réforme à l’occasion de la sortie de son 3000e numéro. Voilà de quoi désarçonner ceux qui veulent résumer la crise à une perte d’autorité qu’il faudrait absolument chercher à rétablir. Le sociologue français, auteur d'un gros ouvrage qui vient de sortir "le déclin de l'institution" (Seuil) voit dans la désacralisation et l’effritement de l’autorité l’effet attendu de la modernité démocratique et de la montée de l’individualisme. L’autoritarisme ne passe plus et l'on dénonce la confusion entre l'autorité et le pouvoir. Pour le sociologue, cette mutation n'est pas la fin de la vie sociale.

§Après les pères, les pairs L’autorité évolue vers une plus grande humanisation,un plus grand partage démocratique, le respect de l’individu, une meilleure cohérence et surtout une réelle compétence et une crédibilité de ceux qui l’exercent. Cette dernière est d’ailleurs fortement entamée par les scandales qui éclatent aux plus hauts niveaux de la sphère économique et politique.

L’autorité n’est pas innée, ni transmissible, fut-il rappelé lors de ce colloque, elle est à construire sans cesse, à fonder et à discuter. « L’autorité n’est plus l’apanage des pères, elle se négocie désormais entre pairs, remarque le sociologue François de Singly. Encore faut-il trouver, notamment au niveau de la famille et de l’école, le bon dosage des règles négociables et de celles qui ne le sont pas, entre le trop d’autorité d’hier et le laxisme actuel ».

L’autoritarisme n'est plus accepté, l’avenir est à une autorité fondée sur le consentement qui ne va pas sans problème. « L’autorité réclame désormais un consentement, mais accepte difficilement de devoir en dépendre », remarque Rémy Hebding, rédacteur en chef de l’hebdomadaire protestant Réforme et médiateur de l’un des quatre débats de la journée.

§L’autorité en crise à l’écoleC’est à l’école que la remise en cause de l’autorité est la plus problématique. Les désordres de la société se sont engouffrés dans l’école : on n’y respecte plus la fonction des enseignants, ni ce qu’ils représentent. Les jeunes ne comprennent souvent pas les enjeux de l’acquisition du savoir. Les parents attendent de l’autorité scolaire qu’elle fabrique des êtres libres, et son prompts à se retourner contre les enseignants. Chacun veut bien de l’autorité pour les enfants des autres, pas pour les siens !

« L’autorité est devenu un travail de construction de la relation qui suppose un engagement de soi extrêmement éprouvant », constate le sociologue François Dubet. Les enseignants doivent être non seulement crédibles aux yeux de leurs élèves pour les accompagner dans leur apprentissage, avoir une cohérence entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font, il leur faut aussi avoir le courage d’affronter les conflits, sans jamais juger. « A un enfant perturbateur, il ne faut pas dire : « Tu es violent » mais « Nous n’acceptons pas la violence dans cette école » explique la psychologue Edith Tartar-Goddet, présidente de la Fédération protestante de l’enseignement. Dépouillé de son autorité institutionnelle, l’enseignant doit conquérir ses élèves, satisfaire les exigences à la fois des enfants et des parents qui adoptent à l’égard de l’école une attitude consumériste et n’hésitent pas avoir recours à l’injure, parfois à l’empoignade, sous le coup de la colère due à une mauvaise note, par ailleurs souvent parfaitement méritée.

« Peut-on mettre sur le même pied d’égalité des jeunes qui doivent apprendre à se construire et des personnes qui ont passé cette étape ? », se demande le directeur d’un lycée. Il estime qu’on ne peut pas parler de démocratie entre des personnes inégales mais de participation.

§Gare aux charismes§

« L’autorité doit être au service d’un mieux-vivre ensemble ». La réflexion de Jean-Arnold de Clermont, président de la Fédération protestante de France, ouvre le débat sur l’autorité au sein de l’Eglise. Sociologue des religions, Danièle Hervieu Léger définit l’autorité religieuse comme l’action d’une instance habilitée légitimement à définir les vérités à croire. L’individualisme religieux, dont on parle tant de nos jours remonte en fait à la fin du 17e siècle où s’est affirmé le primat de l’authenticité sur la conformité. L’importance de se réaliser dans sa foi, l’émergence du besoin de partager ses expériences religieuses et de vérifier qu’elles valent aussi pour les autres, l ’idée qu’il n’y a de vérité qu’appropriée par un sujet, se sont imposées comme une thématique contemporaine forte qui a entraîné une dissémination des croyances et la montée en puissance de nouvelles formes d’autorité à travers l'emprise grandissante des figures charismatiques.