Chiara Lubich à Genève : « Enrayer la pauvreté constitue le seule manière de vaincre le terrorisme »

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Chiara Lubich à Genève : « Enrayer la pauvreté constitue le seule manière de vaincre le terrorisme »

25 octobre 2002
Invitée vendredi par la communauté protestante et le Conseil oecuménique des Eglises, la fondatrice des Focolari a évoqué sa vision de l’avenir du dialogue entre les religions
L’occasion pour beaucoup de découvrir un mouvement spirituel dont l’importance ne cesse de croître.

Tout a commencé dans un petit appartement de Trente, en 1943. Au nom de l’amour de Dieu et du rejet de toute haine, la jeune institutrice Chiara Lubich décide de rester dans sa ville natale détruite par les bombes pour se mettre au service des plus pauvres. C’est ainsi que naît, au milieu des ruines et des cohortes de sans-logis, le premier « focolare » (foyer en italien) où ceux qui ont tout perdu reçoivent amitié et chaleur.

Presque soixante ans plus tard, les « Focolari » regroupent près de 7 millions d’adeptes à travers 182 pays des cinq continents. Invitée vendredi à Genève par les autorités protestantes et le Conseil oecuménique des Eglises (COE), sa fondatrice et actuelle présidente parle avec l’enthousiasme d’une vieille dame de 82 ans fidèle à l’un des premiers slogans du mouvement : « Prier comme des anges, travailler comme des dockers ». Chiara Lubich rayonne de ce que certains appellent un indéfectible optimisme. Elle n’y voit que la manifestation de cette volonté de vivre l’Evangile en actes et en prière, qui est « respiration de l’âme, oxygène de la vie spirituelle et carburant de toute activité ».

§Catholique mais universelIntégrés depuis 1962 dans l’Eglise catholique romaine, les Focolari se montrent dès leur origine profondément oecuméniques et ouverts au dialogue inter-religieux. Le prix Templeton en 1977, puis le prix Unesco pour L’éducation pour la Paix en 1996 récompensent les efforts de Chiara Lubich en vue de développer un échange constructif entre les peuples d’origines culturelles et confessionnelles différentes. Près de 100'000 personnes non croyantes figurent d’ailleurs parmi les membres, « des gens qui croient en des valeurs humaines dans leur engagement professionnel et à qui nous disons que nous pouvons défendre ensemble une certaine vision de l’humanité ».

Chiara Lubich rêve - et croit fermement - à un avenir où les chrétiens auront compris l’importance de ce qui les rassemblent et laissés de côté ce qui les divisent, afin de créer « une seule Eglise avec une variété d’expressions qui soient comme autant de dons les unes pour les autres ». Elle y voit une nécessité, un impératif catégorique : « Nous devons être frères. Et si nous n’y parvenons pas, c’est que nous n’auront rien compris au message du Christ ».

Cette spiritualité de l’unité constitue la pierre angulaire du mouvement, que chaque membre s’engage à vivre à son niveau, dans sa famille, son travail, ses relations. L’amour du prochain devient alors source d’union à Dieu, dans la joie et la paix. « Le royaume de Dieu avance à travers cette charité mutuelle, qui nécessite que l’on s’ouvre pour écouter l’autre ».

Pour Chiara Lubich, cette règle d’or se retrouve dans toutes les religions et il ne saurait y avoir d’autre point de départ pour un véritable dialogue entre elles. Voilà qui ne signifie pourtant pas l’abandon des préceptes de sa foi, bien au contraire. La diversité doit être source d’enrichissement réciproque et non d’appauvrissement. Ainsi, lorsque la fondatrice des Focolari se rend dans une mosquée ou à Tokyo à l’invitation de l’initiateur du mouvement laïc bouddhiste « Rissho Kosei Kai », c’est avant tout pour parler de son expérience de chrétienne : « Je n’en ai pas d’autre et il ne s’agit pas de mots, mais de ma vie elle-même ».

Maisons d’éditions, centres de formations, communautés (une dizaine en Suisse), mouvements de jeunes et de familles : la diversification représente une caractéristique marquante des Focolari. Pour eux, l’exhortation de Jésus (Jean, 13.34 : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ») n’exclut personne et surtout pas les démunis. Lors d’un voyage au Brésil, Chiara Lubich découvre les favelas et réfléchit à une économie de communion où une partie des bénéfices financiers irait aux pauvres et à la formation d’hommes d’affaires animés par ce qu’elle appelle la « culture du don ». Désormais, quelque 800 entreprises fonctionnent selon ce principe. « Enrayer la pauvreté constitue la seule manière de vaincre le terrorisme. Il faut des forces du bien pour s’opposer au mal. Les extrémistes nous traitent d’athées parce qu’ils ne voient pas l’amour du Christ en action parmi nous. Commençons par cela ».