Article sur les religions : Les protestants suisses lancent le débat

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Article sur les religions : Les protestants suisses lancent le débat

29 octobre 2002
La Fédération des Eglises protestantes de Suisse a présenté hier à Berne le rapport d’un groupe d’experts en vue de modifier la Constitution fédérale
A partir du postulat que l’Etat ne peut ignorer un fait religieux qui concerne l’ensemble de la société, la FEPS propose un droit à l’autodétermination pour les communautés et une définition des relations au niveau fédéral. Tour d’horizon. La Fédération des Eglises protestantes de Suisse engage le débat. La Constitution fédérale doit intégrer un article sur les religions qui soit « une base pour des relations claires et pour la reconnaissance accordée à l’importance sociale des Eglises et autres communautés religieuses ».

L’intérêt de la FEPS pour une disposition fondamentale qui régisse les rapports entre la Confédération et les communautés religieuses n’est pas nouveau. En septembre 2000, son Conseil a créé un groupe d’experts chargés de présenter des propositions concrètes pour une modification des jos_content 15 et 72 qui traitent du religieux dans la législation fédérale. En présentant ce rapport, la Fédération souhaite susciter la discussion au sein de ses Eglises membres, ainsi que dans d’autres communautés et de manière générale dans le public. « Nous avons encore le temps d’aborder ensemble les exigences d’une société qui sera toujours plus caractérisée par le pluralisme culturel et religieux. Nous pensons que cela constitue une nécessité pour la politique de l’Etat », souligne le président de la FEPS Thomas Wipf.

§Ne pas privatiser le religieuxPostulat de base : non, la religion n’appartient pas uniquement à la sphère privée. « Aujourd’hui comme hier les croyances légitiment des valeurs qui à leur tour inspirent des normes sociales et légales », explique l’un des auteurs, le professeur lausannois Roland Campiche, en rappelant les débats actuels sur l’avortement, la bioéthique ou l’euthanasie. La FEPS estime que l’Etat ne peut ni ignorer le religieux, ni le privatiser : « La religion est aussi un lien à la communauté et un droit à la vie publique. Et le droit des communautés religieuses à se donner une organisation conforme à leur conception d’elles-mêmes fait aussi partie de la liberté de religion », rappelle le juriste Christoph Winzeler, autre membre du groupe d’experts. Bref, les aspects corporatistes de la liberté religieuse ne sont pas suffisamment pris en compte par le texte actuel. Un droit d’autodétermination que le rapport propose de faire figurer explicitement dans la Constitution, pour les Eglises chrétiennes ainsi que pour les autres communautés religieuses. La crainte d’offrir un droit de cité à des forces fondamentalistes n’est pas fondée pour la FEPS : « Comme tout droit fondamental, celui d’autodétermination des communautés présente des limites fixées par le législateur », rappelle Christoph Winzeler.

§Très généralLes propositions concernant la définition des relations au niveau fédéral restent plus vagues. Les experts proposent de remédier à l’absence de base juridique sur laquelle reposer la coopération entre communautés et organes de la Confédération. « Il ne s’agit pas de restreindre la souveraineté cantonale en matière de droit ecclésial (appliquée d’ailleurs de manière fort diverse, ndlr.), mais de la compléter. Les cantons doivent pouvoir continuer à réglementer leur relation aux communautés religieuses », insiste, avec ses collègues, le directeur de l’Institut de droit canon à Fribourg René Pahud de Mortanges. Le texte législatif suggéré en remplacement de l’actuel article 72 note que la Confédération « peut soutenir les activités sociales et culturelles » de certaines communautés ; ou encore qu’elle doit « prendre en considération dans son action les revendications des communautés religieuses ». Mais aucune précision n’est donnée sur ce que cela signifie dans la pratique. « On ne voit pas toujours clairement pourquoi et avec qui la Confédération coopère. De ce point de vue, un article sur les religions pourrait constituer une base constitutionnelle », explique simplement René Pahud de Mortanges. A noter que les experts mettent en discussion plusieurs variantes, avec la possibilité d’abandonner la reconnaissance de droit public pour les Eglises nationales, ce qui mettrait juridiquement tout le monde sur un pied d’égalité.