Le rabbin Josy Eisenberg à Lausanne :« Aucune religion n’a de vérité supérieure à imposer aux autres »

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Le rabbin Josy Eisenberg à Lausanne :« Aucune religion n’a de vérité supérieure à imposer aux autres »

12 novembre 2002
Les religions, fauteuses de troubles et porteuses d’intolérance ? Producteur, réalisateur, scénariste - il a cosigné le film Les Aventures de Rabbi Jacob - et écrivain, le rabbin Josy Eisenberg a passé en revue hier soir à Lausanne les rapports qu’entretiennent les trois monothéismes à l’altérité et à la violence
Invité par la Commission de coordination « Eglises et Judaïsme » créée en 1990 par l’Eglise réformée, l’Eglise catholique vaudoise et la Communauté israélite de Lausanne, cet orthodoxe atypique, adepte d’une foi moderne, a rappelé le problématique partage des origines entre les trois religions. « Quand trois enfants ont le même père, qui est l’enfant préféré ? » Ce partage difficile entre les trois monothéismes se réclamant du Dieu d’Abraham a entraîné tout au long de l’histoire des violences et des atrocités perpétrées au nom de Dieu, que les dérives islamistes ont cruellement ravivées aujourd’hui.

Josy Eisenberg a rappelé que chaque religion nouvellement apparue a cherché à imposer sa vérité et à prendre la place de celle qui la précédait. La première conquête de la Terre promise s’est faite comme toute guerre de conquête dans la violence et les massacres, au nom d’une injonction comminatoire qu’on trouve dans le texte biblique : « S’ils refusent de se soumettre, passez tous les mâles au fil de l’épée ». Ces concepts étaient, dans la Bible, strictement limités dans l’espace et le temps. Si par la suite, cette ardeur guerrière s’est apaisée, les imprécations contre les païens ne manquent pas dans la Torah et le Talmud.

§Dialectique manichéenneSi le Nouveau Testament se présente comme un évangile d’amour, il ne manque pas lui aussi d’imprécations et de menaces contre les impies menacés de brûler en enfer, qui ont inspiré tour à tour les croisades, l’inquisition, les guerres de religions. C’est ainsi que le christianisme organisé a maudit les tenants de la première religion pour n’avoir pas reconnu Jésus. Une dialectique manichéenne des deux premières religions a opposé le Dieu de Jésus au Dieu d’Israël. Le Coran n’est pas en reste, mélangeant subtilement tolérance et exécration. Une bonne partie des sourates vouent aux gémonies les païens, qualifiés d’infidèles, d’hypocrites et de corrompus, termes qui, de temps à autre, désignent également juifs et chrétiens, coupables, à leurs yeux, de n’avoir pas reconnu Mahomet.

Les religions abrahamiques portent en elles le virus de la haine d’autrui, estime le conférencier, qui couvre un large spectre d’effets pervers, depuis l’exécration jusqu’au massacre en passant par le mépris, l’exclusion, la diabolisation et la mise en place de boucs émissaires, censés canaliser toute violence.

§Imprécations coraniquesJosy Eisenberg replace les imprécations coraniques dans leur contexte de guerre militaire et spirituelle menée par Mahomet pour imposer sa vision du monothéisme aux tribus païennes puis aux peuples du Livre qui ne voulaient pas se soumettre.

« On n’aime pas reconnaître ses dettes », constate l’orateur, qui souligne qu’il est urgent d’apprendre à partager les origines et le même Père, et de reconnaître les apports de chaque religion à la civilisation contemporaine. Pour Josy Eisenberg, ill est capital de communiquer, de dialoguer et d’accepter le pluralisme religieux, indispensable facteur de paix, dont le monde a bien besoin.

Il dénonce enfin avec vigueur le danger de prendre les textes sacrés au pied de la lettre. Cette façon de lire ne peut que déboucher sur le fanatisme et les extrémismes qui prolifèrent actuellement aussi bien en Israël parmi les défenseurs de la terre sainte, que chez les fondamentalistes évangéliques et les intégristes musulmans qui, au nom d’une lecture littéraliste du Coran, n’ont pas renoncé à conquérir le monde entier pour lui imposer l'islam.

« Aucune religion n’a une vérité supérieure à imposer aux autres. » conclut-il après avoir rappelé qu’il n’y a pas, dans le judaïsme, de terre sainte, mais de terre de sainteté. Ce qui change toute la perspective.