Transmettre la foi à ses enfants, une mission impossible ?

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Transmettre la foi à ses enfants, une mission impossible ?

14 novembre 2002
Comment donner envie de Dieu à ses enfants à une époque où les sociétés occidentales oublient leurs racines judéo-chrétiennes, s'ouvrent au pluralisme religieux et où leur spiritualité relève de l'intime ? Auteur de « Dieu à l’usage de mes fils », le pasteur Shafique Keshavjee proposera quelques pistes pour transmettre la foi, le dimanche 24 novembre 2002 à Crêt-Bérard
Interview.« Tout ce qui touche à l’expérience de Dieu ne peut se transmettre. L’essentiel se joue entre la personne et Dieu». D’emblée, le pasteur Shafique Keshavjee, chargé du dialogue interconfessionnel au sein de l’Eglise vaudoise, reconnaît que la tâche de la transmission de la foi, complexe et délicate, se complique encore à l’heure où les choix relèvent de l’individu et où la société multiculturelle ne propose plus un seul modèle de croire mais une grande diversité de croyances, sans donner de repères suffisants pour s’y retrouver. L’apport des différentes immigrations a apporté une diversité de visions du croire dans laquelle il n’est pas facile de se retrouver.

Autrefois, tout était peut-être plus simple puisque la foi semblait se transmettre d’une génération à l’autre. Cette transmission était relayée par l'ensemble des acteurs de la société, (famille, école, Etat, médias). Soit on choisissait de rester dans le droit-fil de la confession dominante, soit on s'inscrivait en faux contre le choix dominant en se déclarant agnostique ou athée.

S’il n’a pas de recette miracle pour transmettre la foi et donner envie aux enfants de s’ouvrir à Dieu, Shafique Keshavjee insiste sur l’importance de la communauté humaine dans laquelle grandit l’enfant pour l’accompagner dans son ouverture à Dieu qui peut transformer sa vie intérieure. « Je crois que la spiritualité en solitaire encourt de graves dangers. Pour gravir de hautes montagnes, il est vital d’être encordé et d’être accompagné par des guides compétents. Sinon gare aux chutes mortelles ! » écrivait-il dans « Dieu à l’usage de mes fils ».(éd. Seuil). Son opinion n’a pas changé.

§La famille est-elle toujours le lieu privilégié de la transmission ?C’est toujours le premier lieu où Dieu devrait être expérimenté. Les parents, mais aussi les grands-parents, les oncles et tantes, les parrains et marraines, sont les premiers responsables de l’image positive ou négative qu’un enfant peut avoir de Dieu. Trop de familles reportent hélas cette responsabilité sur une communauté religieuse.

§Quels sont les points essentiels de cette transmission ?Trois dimensions de la foi me paraissent importantes: le savoir, le savoir être et le savoir-vivre. Tout d'abord, il importe de bien connaître le contenu de la foi que l’on veut transmettre. Ce qui veut dire qu’il faut commencer par clarifier sa propre vision du monde et de Dieu. Se poser la question : qu’est-ce que moi, je crois profondément ? Affirmer ce que l’on croit est plus difficile dans une société comme la nôtre où la foi s'est privatisée, que dans une société de tradition hindoue, musulmane ou juive. Le besoin de clarifier ses propres savoirs, ce qui explique en grande partie le succès des cours sur l’histoire des religions et les phénomènes religieux. Pour pouvoir choisir, chacun doit d’abord connaître ce qui fonde la religion dans laquelle il est né. On ne choisit pas, comme ça, à partir de rien. Des parents renoncent à donner une éducation religieuse à leurs enfants sous prétexte qu’ils choisiront plus tard. Mais comment choisir ce qu’on ne connaît pas ? C’est comme l’apprentissage de la musique. On commence par travailler un instrument pour acquérir des connaissances de base ; après seulement, quand on connaît un instrument, on peut choisir de s’orienter vers un autre. Ne jamais commencer ou toujours changer ne permet pas de progresser.

§La façon dont on vit et se comporte n'en dit-elle pas plus long sur sa foi que ce que l’on en sait ?Certainement. La foi, c’est d’abord ce qui est vécu chaque jour entre les parents. Une très grande pudeur les retient souvent de vivre leur foi ensemble. Je pense qu’il est bon de stimuler à nouveau la prière du couple, d’encourager son engagement religieux. Les grands-parents jouent également un rôle important dans la transmission. La sérénité que ma grand-mère a gardée à travers toutes ses souffrances m’a beaucoup marqué quand j’étais enfant. Ma responsabilité en tant que parent est d’essayer d’être le témoin de ce qui nous habite en profondeur. Je reste persuadé que la meilleure manière d’être touché par la foi, c’est de voir le rayonnement qu'elle provoque chez d'autres autour de soi. Ce qui donne envie, c’est l’attitude de confiance dans la vie que l'on peut recevoir et communiquer à ses proches.

§ Quelles activités de l’ordre de la foi peut-on partager en famille?On peut se remettre à prier ensemble comme cela se faisait autrefois avant le repas, ou faire une minute de silence autour de la table. On peut choisir de lire régulièrement une histoire tirée de la Bible. Mes enfants ont un immense plaisir à écouter l'histoire biblique que nous leur racontons tous les dimanches soirs. Il est important de chercher à donner un côté festif à ces moments-là, pour émerveiller les enfants qui ne demandent que ça ! On peut aussi parfois chanter ensemble, pas seulement à Noël, mais aussi écouter des chants ou visionner des films qui véhiculent un beau message de foi. Ce qui compte, c’est de vivre son ouverture à Dieu avec toute son humanité et ne jamais chercher à prendre le pouvoir sur l’enfant. Se souvenir surtout que l'Esprit du Christ, bien plus que nous encore, souhaite ouvrir nos proches au mystère de Dieu, et le fait toujours de manière profondément respectueuse.