Revisiter l'histoire de l'art pour échapper au toc et au clinquant de Noël

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Revisiter l'histoire de l'art pour échapper au toc et au clinquant de Noël

15 novembre 2002
Noël peut-il échapper à une imagerie mièvre et une décoration clinquante? Oui, si l’on interroge les peintres qui ont cherché à combler les silences de la Bible par des images
Les grands maîtres de la peinture ont su créer des symboles qui ont de quoi rafraîchir notre imaginaire. Le point avec Bernadette Neipp, privat-docent à l’Université de Lausanne, responsable d’un cours-atelier intitulé « Noël sous le regard de peintres ».Noël s’est installé dans les vitrines, dans les rues comme dans nos salons, avec son cortège de variations décoratives. « Commercialement, Noël s’impose chaque année avec une nouvelle tendance de couleurs, - bleu nuit cette fois-ci – et c’est un cycle ! » fait remarquer cette spécialiste d’une entreprise romande, active dans le domaine de la création de papiers cadeaux. «C’est vrai qu’à Noël, on offre du clinquant, des lumières, un tout immédiatement accessible », renchérit Bernadette Neipp, privat-docent à l’Université de Lausanne. Elle ne craint cependant pas d’interroger les images qui entourent Noël, dans un cours qu’elle donne en cette fin d’année à la Faculté de Lausanne*.

« Je trouve que nous sommes prisonniers de trop de clichés, ajoute-t-elle, et la Nativité se réduit à des images d’Epinal qui se focalisent autour d’une crèche. C’est pourquoi je tente de montrer que les peintres ont su donner à Noël une dimension beaucoup plus vaste, en étant des véritables théologiens de l’image ». Spécialiste de l’œuvre de Rembrandt et théologienne, Bernadette Neipp s’est plongée dans l’héritage iconographique de ces derniers siècles, histoire de dépasser l’imagerie populaire. Elle n’a eu que l’embarras du choix, car la Nativité a longtemps inspiré et fasciné les peintres, les graveurs et les sculpteurs de la Renaissance italienne et de l’école flamande, soit durant 600 ans, entre le 12e et le 17e siècle.

§Des images pour combler les silences«Si des peintres comme Fra Angelico, Dürer, Bruegel, Tintoret, Raphaël et bien d’autres, ont cherché pendant six siècles au moins à illustrer la naissance de Jésus, poursuit Bernadette Neipp, c’est parce que la Bible en dit peu ou presque rien ». Les images créées par les artistes ont donc obéi à un souci et à une volonté de combler les silences sur le mystère que représente la venue de cet enfant, présenté comme Fils de Dieu, Sauveur du monde. D’ailleurs, les Evangiles de Luc et Matthieu se montrent si avares de détails qu’il faut recourir à d’autres sources pour comprendre l’inspiration des peintres. Les textes apocryphes, tel le Protévangile de Jacques, daté du 2e siècle, tout comme la Légende dorée, issue du Moyen-Âge, constituent des références utiles pour saisir l’origine et le sens de l’iconographie autour de Noël. Bernadette Neipp marie étroitement l’apport de ces textes et la lecture des images où défilent les rois Mages, Elisabeth, Marie, les Bergers, les sages-femmes et bien d’autres.

Des crèches sans mièvrerie

Le recours aux images puisées au travers des siècles permet d’éviter une réduction du message de Noël à une simple imagerie populaire. « Voir Noël au travers des yeux des peintres, c’est un enrichissement par rapport à des textes usés, affirme Bernadette Neipp, et c’est aussi se familiariser avec un langage riche en symboles, ce que les éléments purement décoratifs et commerciaux d’aujourd’hui ne peuvent pas nous fournir ». Preuve à l’appui avec une gravure de Dürer (1504), tirée de la collection du Musée Jenisch à Vevey, où l’artiste a représenté la Sainte Famille, réfugiée dans une maison en ruines. Dans la cour, Joseph puise de l’eau fraîche à un puits. Commentaire de Bernadette Neipp : « Contrairement au cliché, ici Joseph se montre actif. Son geste est plein de symbole : puiser de l’eau fraîche signale le renouvellement, celui de la nouvelle Alliance conclue entre Dieu et son peuple, avec la naissance de Jésus ». On est bien loin des crèches mièvres et ennuyeuses.

§*Noël sous le regard des peintres, iconographie et Bible. Jusqu’au 6.02.2003, cours-atelier avec Bernadette Neipp, le jeudi de 17h15 à 19h à l’Université de Lausanne, BSFH2, salle 5033. Renseignements : 021. 692.27.00