Remettre l’Eglise au milieu de la ville

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Remettre l’Eglise au milieu de la ville

28 novembre 2002
Rejoindre les gens sur leurs lieux de travail et de loisirs pour y ancrer le spirituel dans leur quotidien en inventant des manières nouvelles d’annoncer l’Evangile: c'est le défi que tentent de relever en Suisse les missions urbaines
Eclairage avec le pasteur zurichois Hans Strub, de passage à Genève.

§Voir aussi article no 0433§Comment remettre l’Eglise non pas au milieu du village, mais au centre de la ville ? De quelle manière rejoindre les gens sur leurs lieux de vie, là où ils travaillent, consomment et circulent ? Cette préoccupation se trouve au centre du mouvement Missions urbaines ou Eglises en ville. A Genève, Evangile et Travail poursuit une expérience de ce type au temple des Pâquis (lire article suivant). Invité par cette petite équipe, le pasteur zurichois Hans Strub, responsable de la formation pastorale en Suisse alémanique, pose le problème à travers une belle métaphore: « Nos Eglises fonctionnent selon une structure nocturne. On a d’abord découpé des zones géographiques que l’on a appelées paroisses; puis on y a défini un nombre de postes selon l’importance de la population résidente. Mais les gens n’y sont que durant leur sommeil ! Là où ils vivent vraiment, nous sommes absents ».

Exemple parmi tant d’autres : la fameuse place Saint-Laurent, l’un des lieux les plus fréquentés de Lausanne. « Si l’on se réfère au nombre de personnes qui y passent chaque jour, on devrait y nommer quinze pasteurs. Voilà le concept des missions urbaines : se demander ce dont la ville a besoin en étant à son écoute. L’Eglise devient alors un partenaire social crédible, parce qu’elle ne travaille plus à sa propre finalité », explique Hans Sturb.

§Des lieux de présence inattendusConserver les paroisses comme points d’ancrage de la foi, tout en développant de nouveaux lieux de présence, comme en gare de Zurich. Avec d’autres précurseurs, Hans Strub propose d’élargir le concept des aumôneries aux banques, aux usines et aux magasins. Si des expériences d’« Eglises urbaines » existent ailleurs en Europe et dans certaines villes suisses allemandes comme Bâle, Zurich, St-Gall ou à Berne, l’orateur estime que la réflexion sur l’évolution de nos cités et la manière d’y annoncer la Parole ne préoccupent pas assez les protestants. « Dans l’Evangile, la ville constitue pourtant la demeure et le lieu d’action de Dieu. Jésus ne choisit pas un endroit pur, mais Jérusalem, avec ses fontaines et ses abîmes. C’est ensuite dans les grandes villes de l’époque que Paul se rend. Le christianisme est à l’origine un mouvement urbain et c’est aussi dans ce contexte que réside son avenir ».

Il y a 200 ans, les Eglises ont su suivre les travailleurs émigrant vers les nouveaux lieux de production de l’industrie naissante. Aujourd’hui, selon le pasteur zurichois, elles doivent réorganiser leurs ressources sous peine de perdre contact avec les gens.

§La question de la laïcitéDans le public, le président du conseil de l’Eglise protestante de Genève se dit « convaincu de la nécessité d’un renouvellement dans la modalité de la présence des Eglises et les conditions de partage du message biblique ». Pour Joël Stroundinsky, le modèle paroissial ne suffit plus pour apporter l’Evangile dans la vie de tous. Pourtant, ajoute le pasteur, s’il faut faire preuve d’audace, il convient aussi de ne pas dilapider les énergies. Il y a 25 ans, une tentative d’animation ouverte au temple de la Fusterie s’était terminée en queue de poisson. « Le Consistoire a aussi mis fin à une expérience menée dans un centre du quartier de la Jonction. Ces deux exemples montrent que le concept ne fonctionne pas forcément, et que nous devons nous montrer attentifs à la clarification du mandat, au développement de partenariats avec d’autres instances avant de démarrer ».

Le défi proposé par les missions urbaines est là : d’un côté, conserver des endroits traditionnels de célébration et de recherche spirituelle dont l’Eglise ne peut faire l’économie. De l’autre, développer une autre manière d’être présent au monde, et particulièrement en ville, « pas seulement en annonçant la Parole, mais en la vivant avec les gens ». Reste une inconnue politique dans une société attachée à sa laïcité : « Aujourd’hui, note encore Joël Stroudinsky, il est inconcevable qu’une confession investisse sans autre des espaces publics. Cela mérite d’abord un important débat ».