De l'évangélisation forcée au partenariat avec le Sud: La mission a élargi ses horizons

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De l'évangélisation forcée au partenariat avec le Sud: La mission a élargi ses horizons

23 janvier 2003
Le Département missionnaire (DM) a 40 ans. L’occasion de se demander à quoi ressemble aujourd’hui la mission
Si les égarements de l’époque coloniale semblent appartenir définitivement au passé, le mouvement tente d’inventer un nouveau rapport au Sud basé sur le dialogue. Perspectives. « Aujourd’hui, la mission, c’est la respiration de l’Eglise ». Ecouter Olivier Labarthe, directeur du Département missionnaire, évoquer le travail de la quarantaine d’envoyés du DM à travers le monde suffit à s’en convaincre : le mouvement a fait du chemin depuis le cliché du missionnaire au couvre chef blanc, complice des pires dérives coloniales. « Même si certaines critiques sont un peu faciles, il est vrai que comme ailleurs dans l’histoire de l’Eglise , il y a eu de graves dérives à propos desquelles nous avons fait notre mea culpa », souligne de son côté Jacques Matthey, qui a longtemps présidé aux destinées du DM avant de devenir secrétaire exécutif pour l’étude de la mission au sein du Conseil oecuménique des Eglises (COE).

L’eurocentrisme a vécu et, comme le soulignait le professeur Klauspeter Blaser dans ses ouvrages consacrés à la question, l’époque actuelle est au partenariat plutôt qu’à une évangélisation forcée. « L’Eglise ne peut être que missionnaire, manifestant l’amour de Dieu pour l’humanité dont les apôtres ont été les premiers témoins », explique le patron du DM. Exit donc le concept de colonisation ecclésiale. « Théologiquement, on estime désormais que la mission n’est plus l’affaire de l’Eglise, mais celle de Dieu lui-même qui intervient dans les affaires humaines », note encore Jacques Matthey.

La nécessité d’une réorientation se voit également dictée par la réalité des chiffres. Notre société de plus en plus éloignée de l’Evangile ne peut que constater l’impressionnante croissance de l’Eglise dans les pays du sud. Dès lors, une action missionnaire ne peut se concevoir que sous la forme d’un « partenariat critique qui fonctionne dans un sens comme dans l’autre », précise au COE Jacques Matthey. Et si sur le terrain les collaborations entre catholiques et protestants restent peu courantes, tout le monde travaille maintenant en ce sens.

§Projets variésBref, il s’agit avant tout de contribuer aux échanges entre les communautés chrétiennes d’ici et d’ailleurs, avec la certitude que chacune peut apporter quelque chose à l’autre. Olivier Labarthe : « Le DM est en lien avec de nombreuses Eglises. Chacune se détermine sur un programme missionnaire, avec aussi des éléments liés au culte ou au catéchisme ; ou encore des enjeux sociaux, médicaux, écologiques, scolaires ». La diversité des collaborateurs salariés du DM est évidente, et va de l’aumônier engagé dans des écoles d’Abidjan, à l'envoyé dans le plus grand centre africain, qui travaille sur les liens entre écologie et économie. Autres initiatives originales, la formation de guetteurs dans plusieurs Eglises camerounaises, capables d’intervenir dans les différents domaines de la vie quotidienne. Le DM se mouille aussi pour la survie des ethnies opprimées, tels les bushmen de Namibie, des cueilleurs devenus parias de la société. « Le principe est toujours le même, résume Olivier Labarthe. On se met à l’écoute d’autrui et ensemble nous montons un projet ». Cela peut durer quelques mois, notamment dans le social, jusqu’à plusieurs années là où l’on cherche à créer un lien fort avec les gens en s’insérant dans la vie d’une communauté, en apprenant la langue, etc. De manière générale, la durée des séjours à l’étranger s’est notablement raccourcie. Et si autrefois on restait parfois une vie entière à l’étranger, le long terme dépasse désormais rarement les 5 ou 6 ans.

Selon Francis Matthey, la mission actuelle représente la dynamique de la vie chrétienne, puisque qu’elle est active dans tous les domaines où l’Eglise se trouve en contact avec le monde. Autrement dit, « l’Eglise, là ou elle a une présence, est en mission. Ce qui inclut aussi l’Europe ». Un message qui peine à passer auprès du public, puisque comme l’ensemble du secteur de l’entraide, le mouvement rencontre d’importantes difficultés dans la récolte de fonds.

Pierre Léderrey

§UTILE

Les 40 bougies du DM seront soufflées les 21, 22 et 23 novembre prochains à Lausanne. Cérémonie officielle, culte(s), concerts et animations diverses viendront agrémenter ce week-end de fête.