Dossier Internet:Les chrétiens se mettent au Net entre espoirs et craintes

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Dossier Internet:Les chrétiens se mettent au Net entre espoirs et craintes

13 février 2003
L’Eglise ne peut rester absente du monde d’Internet
Dans un ouvrage à la fois clair et dense, Jérôme Cottin et Jean-Nicolas Bazin expliquent pourquoi, tout comme les catholiques, les réformés doivent tisser des liens sur la Toile. Mais cette présence passe par une intégration de la modernité. Interview de l'un des auteurs.

(Voir aussi article suivant)En quelques années, la toile mondiale a créé un univers, une culture numérique, transformant notre manière de communiquer, d’écrire et d’apprendre, bouleversant nos relations sociales et notre rapport à l’espace et au temps. Le christianisme doit prendre une place dans ce paysage médiatique, telle est la conviction de Jean-Nicolas Bazin. ce transfuge d’IBM pilote aujourd’hui les projets technologiques du Conseil oecuménique des Eglises (COE) à Genève. En compagnie du théologien Jérôme Cottin, il vient d’écrire un passionnant ouvrage qui fait le point sur la présence importante et multiforme des Eglises sur le Web*. Convaincu que l’Eglise doit témoigner sa foi en Jésus-Christ et s'ouvri aux autres, à l'extérieur, il estime qu'elle doit utiliser les nouvelles technologies pour faire passer son message pour être entendue le plus largement possible ». Pour autant, elle ne doit pas perdre son âme dans le fourre-tout cybernétique. L’Eglise doit éviter de se laisser griser par la fascination technologique, en défendant une véritable vision humaniste de la communication. Il reprend à son compte les mots du sociologue Dominique Wolton : « C’est le message qui est important, et non la manière dont il arrive. (...) Le média, c’est un projet, pas un tuyau ».

§Un formidable outil, non sans dangerBref, il faut veiller à ce que le moyen ne se substitue pas au but, que l'on ne privilégie pas la seule présence au détriment de sa raison d’être et du contenu à véhiculer. Une dérive d’autant plus risquée qu’Internet bouleverse le schéma classique de la communication entre un émetteur et son récepteur : Ici, «out le monde communique avec tout le monde, le message devient multiple et finit par se dissoudre, « l’outil devenant à lui-même sa propre finalité ».

Ce qui explique une certaine méfiance au sein de l’institution vis-à-vis de ce média qui favorise l’instantané plutôt que la réflexion, et privilégie l’imaginaire au détriment de la réalité, la multiplication du moi plutôt que l’approfondissement de l’être. Le Net n’est pas sans danger, avertit Jean-Nicolas Bazin, notamment lorsqu’il est utilisé ou vécu comme une substitution du réel plutôt que comme son prolongement ou l’ouverture à d’autres possibles.

§Communication humaineC’est pourquoi l’Eglise doit critiquer l’idéologie technicienne de la communication au nom de l’idéal humaniste ; et, selon les mots de Dominique Wolton à nouveau cité par les auteurs, elle doit rappeler que l’essentiel n’est pas la performance de la transmission, mais la capacité à définir une vision humaine, et non purement technique, de la communication ». Un message parfois trop bien compris, selon Jean-Nicolas Bazin : « cette volonté de se focaliser sur le contenu donne parfois des choses vraiment austères qui ne s’adressent en fait qu’aux initiés et aux membres de l'Eglise, et non au grand public qui est pourtant la cible de départ ». Savoir qui l’on veut toucher et si l’on atteint vraiment les destinataires souhaités demeure d’ailleurs un problème récurrent de la communication en ligne, les Eglises doivent véritablement se poser la question.

Reste aussi à se demander si, sur Internet, l’union fait la force ou s’il vaut mieux faire cavalier seul (lire l'article suivant). Car la multitude de l’offre représente la richesse d’Internet, mais aussi ses limites. Ainsi, en matière de théologie ou de prédication, il demeure parfois extrêmement difficile de remonter à la source. Et donc de juger de la validité des informations. « Les sites sur la spiritualité pullulent. Du coup, on trouve un peu tout et n’importe quoi !». Français, Jean-Nicolas Bazin connaît néanmoins bien la réalité romande et admet que si certains sites, comme celui de l’Eglise réformée genevoise, firent office de pionniers, il manque aux Romands un portail d’accès digne de ce nom: « Les pages de la Fédération Protestante de France offrent un panorama de l’ensemble du monde réformé hexagonal. Rien de tel n’existe en Suisse romande et c’est dommage ».

§UTILE

Jérôme Cottin et Jean-Nicolas Bazin, « Vers un christianisme virtuel ? » (Labor et Fides, 2003)§