« Je me drogue : ça me regarde ! »A Bienne, on refuse de banaliser le cannabis

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« Je me drogue : ça me regarde ! »A Bienne, on refuse de banaliser le cannabis

20 février 2003
L’interdiction de la loi n’impressionne parfois plus personne
Légal – illégal : dans certains domaines, la frontière devient floue. Chacun préfère se fabriquer ses normes à soi. Exemple frappant: la consommation de cannabis. A Bienne, on a décidé de lutter contre la banalisation de la fumette et de faire de la prévention active. Car un joint, c'est aussi grave qu'un verre d'alcool. Le cannabis est toujours interdit : la nouvelle peut paraître indue. Tant il devient difficile d’échapper à l’odeur que dégage la fameuse extraction du chanvre. Dans les concerts, à bord des trains, jusque dans les cours d’école, les espaces publics sont embaumés. Sans parler de la chambre de plus en plus d’adolescents. La consommation du cannabis s’est généralisée ces dernières années. ’après une étude de l’ISPA (Institut suisse de prévention de l’alcool et autres toxicomanies), près de 6% des jeunes de 15 à 24 ans consomment une ou plusieurs fois par jour. Et l’interdiction de la loi n’y change rien. « C’est mon problème si je fume », vous dira n’importe quel fumeur de tabac. L’argument est repris par le consommateur de drogue douce : « Un joint, c’est rien de plus grave qu’un verre de vin ! » On minimise les effets du stupéfiant. Le but : faire accepter le cannabis dans le cercle très restreint des drogues légales.

Dans ce contexte de banalisation, dire « non » à la fumette devient de plus en plus difficile, surtout quand on est un parent soi-même consommateur. Pour Christian Moeckli du Drop-in de Bienne, « il faut cesser de se cacher derrière une norme qui ne marche plus. La question de la légalité n’est plus pertinente sur le terrain. » Il s’agit d’argumenter autrement. D’autant plus que l’attitude des jeunes par rapport au cannabis a changé. Plus question aujourd’hui de contestation sociale ou politique, c’est la décompression que l’on cherche. On fume contre le stress. Le joint est entré dans la panoplie des produits qui permettent de gérer le bien être. Cette façon de résoudre ses problèmes avec un produit reste très problématique.

§Des repères quand mêmeFaut-il donc laisser la consommation de cannabis à la liberté de chacun ? En finir une fois pour toute avec les règles ? « Pas question ! », répondent les professionnels en contact avec les jeunes. Des limites et des règles doivent être fixées pour aider, notamment les plus jeunes, à gérer la consommation d’un produit qui reste potentiellement dangereux.

Au gymnase français de Bienne, une circulaire vient d’être distribuée aux élèves et aux parents. En organisant des séances d’informations et de dialogue, les professeurs ont rappelé que la consommation de cannabis, comme celle de l’alcool, est incompatible avec les « aptitudes requises pour l’apprentissage et les cours. » Même s’il refuse de se fonder sur des « principes moraux », le texte parle quand même de « norme ». « A notre grande satisfaction les élèves ont compris facilement notre argumentation, explique Aldo Dalla Piazza, recteur adjoint. Certains ont même été soulagés qu’une ligne claire soit tracée. » Et de rappeler que la banalisation est dangereuse. Surtout que pour le joint, elle est plus marquée que pour l’alcool : « Que diraient les jeunes d’un de leurs camarades qui boirait déjà sa bière à 7 h du matin dans le train ? »

La priorité est donc donnée au dialogue. « Pas banaliser, pas flipper, mais garder le contact » : c’est la consigne appliquée par le Drop-in. Une ligne qui est aussi recommandée aux parents. « Mais il faut oser parfois se confronter, insiste Christian Moeckli. Les CFF, les écoles… doivent faire respecter les règles qui leur sont propres. C’est une question de respect des autres usagers. »

Du côté du gymnase, on se dit conscient de la difficulté à introduire ces nouvelles règles. « Nous avons provoqué le dialogue avec les élèves qui fument autour des bâtiments, précise Aldo Dalla Piazza. Avant de sanctionner, nous donnerons la possibilité d’entrer en contact avec le Drop-in et des médiateurs scolaires seront engagés dès l’été prochain. » Quand la consommation de cannabis devient un fait de société, la responsabilité de tous est engagée.