Résurrection et réincarnation, du pareil au même ?Le mystère de l'après mort taraude chacun

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Résurrection et réincarnation, du pareil au même ?Le mystère de l'après mort taraude chacun

27 février 2003
Résurrection et réincarnation, même combat ? A l’heure du bric-à-brac religieux, la confusion règne
Un séminaire intitulé « La mort et après ? », qui démarre en avril prochain à Lausanne, a enregistré un nombre record d’inscriptions. En manque de repères spirituels, l’homme occidental ne sait plus comment comprendre la mort ni comment appréhender la vie. Tour de la question avec Daniel Marguerat, professeur à la Faculté de théologie de Lausanne.Se réincarner ou ressusciter, qu’est-ce que ça change à la vie ? Entre les deux conceptions, la confusion est grande dans les esprits. En perdant de vue ses racines culturelles et religieuses, l’homme occidental a souvent perdu du même coup l’espérance, en sens spirituel du terme, ce qui l’a poussé à se bricoler une croyance en piochant dans le bric-à-brac religieux contemporain pour répondre à ses questions. Car personne n’échappe à l’envie de savoir ce qu’il y a « de l’autre côté » de la mort, la question est vieille comme l’humanité. Dénier la mort en repoussant toujours plus loin les frontières de la vie n’a pas pour autant réglé son mystère, encore moins rendu l’homme immortel. C’est ainsi qu’il s’est peu à peu approprié la notion de réincarnation, mais à sa manière consumériste ; en ignorant le plus souvent que, selon la pensée bouddhiste, tant que l’être humain ne s’est pas libéré du cycle des réincarnations successives, que son âme n’a pas atteint un degré de perfection lui permettant de se fondre dans la réalité divine, il ne peut accéder au repos éternel. Des chrétiens tentent de combiner résurrection et réincarnation. C’est peine perdue pour Daniel Marguerat, professeur du Nouveau Testament à l’Université de Lausanne. Les deux conceptions de l’après mort ne peuvent être amalgamées, non parce qu’elles viennent de deux religions différentes, mais parce qu’elles entraînent des conséquences incompatibles sur la manière de voir la vie humaine. La question de la croyance est bien trop importante à ses yeux, pour qu’on se contente de choisir à l’aveuglette dans le tout-venant religieux.

§Comment expliquez-vous la résurrection ?Dans la perspective de la résurrection, la vie est unique, impossible à répéter, elle se termine à la mort mais va au-delà de la mort. Une nouvelle forme de vie est alors donnée par Dieu, mais il ne s’agit en aucune façon d’une prolongation ni d’un supplément de vie. La vie ne se perd pas, elle est recueillie par Dieu qui fait exister les absents autrement. L’au-delà est le lieu de Dieu. Le christianisme offre une confiance sur ce qui se passera après la mort, mais ne donne aucun savoir sur la question. Confiance en un Dieu qui relève, qui met debout, même après l’échec le plus total. Avant d’être un objet de croyance, la résurrection est le lieu de la foi, le lieu où naît la foi. Pâques est une expérience visionnaire, des femmes croyantes, puis des disciples ont dit avoir vu le Christ. Qu’il soit vivant, debout et non couché dans la mort, est une conviction accessible à la foi seule. Je ne peux pas croire à un Dieu qui relève les morts si je ne vois pas à l’œuvre ce même Dieu dans la vie autour de moi qui fait triompher la vie sur l’échec, de faire surgir la vie là où rôde le fatalisme, l’injustice et la faim. La résurrection doit être ramenée au cœur de la vie. Si Pâques ne se déroule pas dans mon existence, je doute qu’elle se passera après ma mort.

§Comment définir la réincarnation ?trajectoire qui va se reproduire dans un autre corps, à une époque ultérieure. Ce qui entretient l’espoir de connaître une vie prochaine meilleure ou de compenser les manques et les échecs de son existence actuelle. La réincarnation fait de la mort un transit vers une autre vie et la banalise. L’espoir d’une nouvelle incarnation est régi strictement par les œuvres du défunt: l’humain se résume à la somme de ses actes, alors que Jésus a refusé d’enfermer autrui dans ses fautes. C’est une vision très individualiste de l’existence. Ce qui explique que cette conception de l’au-delà a plus de succès que la résurrection. En Occident, on a adapté cette doctrine religieuse pour la rendre rassurante grâce à la perspective que l’essai prochain sera meilleur. Or pour un Hindou par exemple, ce retour sans fin est une tragédie.

§Que propose le Christ de différent ?Le Christ a placé le souci d’autrui au cœur de la dignité humaine et a refusé d’enfermer l’homme dans ses fautes. La résurrection n’est pas un programme d’outre-tombe. Ressusciter n’est pas recevoir une autre vie, mais vivre autrement. Ce sont les vivants qui sont appelés à ressusciter sur le plan spirituel. La résurrection travaille la vie humaine, comme aussi la mort la travaille. L’offre faite au croyant est d’ouvrir son existence ici et maintenant, à une espérance qui s’inscrit au cœur de la vie et ouvre une brèche sur l’au-delà.