L'Eglise réformée vaudoise revisite les erreurs du passé

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L'Eglise réformée vaudoise revisite les erreurs du passé

27 février 2003
Durant la seconde guerre mondiale, l’Eglise réformée vaudoise s’est trop longtemps tue
Un silence coupable clairement mis en évidence par un rapport commandé par le Conseil synodal actuel. Retour sur une période sombre, à l'occasion de la sortie de cette étude en librairie. A la lecture de l’ouvrage de Nathalie Narbel, « Un ouragan de prudence », on hésite entre couardise politique et silence coupable pour qualifier l’attitude de l’Eglise protestante vaudoise durant la seconde guerre mondiale. Entre 1933 et 1949, le silence des autorités réformées cantonales a été assourdissant, alors que dans le même temps, là comme ailleurs, des pasteurs courageux mirent toute leur énergie à venir en aide aux réfugiés.

L’étude de cette chercheuse, aujourd’hui responsable du Centre genevois inter-cantonal d’information sur les croyances (CIC), est le résultat d’une commande passée en 1997 par l’Eglise réformée du canton de Vaud (EERV), soucieuse de faire la lumière sur cette période sombre de son histoire. Si le livre vient de sortir en librairie*, les résultats de l’enquête ont été révélés en avril 2001 déjà. Le pasteur Antoine Reymond, s’exprimant au nom de l’exécutif ecclésial, reconnaissait alors sa tristesse devant l’attitude critiquable du Conseil synodal de l’époque.

§Antisémitisme largement répanduIl faut donc saluer le courage de l’EERV, qui a cherché à mettre en lumière les errances du passé. Il convient aussi de ne pas oublier, comme le rappelle à plusieurs reprises Nathalie Narbel, que dans les années 30 et 40 un antisémitisme plus ou moins diffus gangrenait toute l’Europe et notamment notre pays, avec par exemple des autorités fédérales acceptant dès 1938 de refouler aux frontières toute personne porteuse d’un passeport estampillé du fameux tampon « J » : « L’influence du Reich en Suisse est rendue possible et acceptable en raison de l’antisémitisme larvé, répandu dans toutes les sphères de la société et particulièrement chez les gouvernants et les fonctionnaires », écrit notamment l’historienne.

A cet égard, la politique de l'autruche pratiquée par les autorités réformées vaudoise s’inscrit dans un climat général d’hostilité envers les juifs, nourri de préjugés autant racistes que religieux. Par ailleurs, l’Eglise nationale vaudoise fut aussi, dès 1939, l’une des plus actives dans l’aide aux réfugiés protestants.

§Ministres racistesIl n’empêche. Force est de constater qu’alors que l’Eglise libre du canton de Vaud, largement minoritaire et surtout totalement indépendante de l’Etat, condamne dès 1933 les persécutions des israélites en Allemagne, l’Eglise nationale fait certes preuve de solidarité confessionnelle, mais refuse de condamner la politique raciale du régime hitlérien, alors que le martyr des Juifs, dénoncé dès la première par le théologien bâlois Kart Barth, ne peut plus être ignoré. Pire: l’Eglise vaudoise abritera en son sein au moins deux ministres ouvertement antisémites. Bien que plusieurs de leurs collègues s’offusquent de cette présence au sein du corps pastoral, le Conseil synodal ne leur adressera ni blâme ni sanction. Même en 1942, « alors que la solution finale mise en place par les nazis ne pouvait tre ignorée, et qu’un grand nombre de personnalités protestantes s’élèvent contre les déportations, (...) dans le canton de Vaud la commission synodale s’est plutôt illustrée par sa retenue », souligne l’auteur. Berne et Genève invitent leurs membres à combattre le fléau de l’antisémitisme. Vaud n’en fait rien. Ainsi, conclut Nathalie Narbel, si tous les réformés vaudois ne peuvent être mis dans le même panier, leurs autorités ont montré « une incapacité à intervenir sur le plan de la morale » et une réelle « indifférence pour la guerre en Europe ». Edifiant.

§utile

*Nathalie Narbel, "Un ouragan de prudence", Labor et Fides, 2003§