Livres:Un théologien dialogue avec l'incroyance

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Livres:Un théologien dialogue avec l'incroyance

7 mars 2003
Il ne faut pas se cacher l’athéisme du monde, mais au contraire le dévoiler, estimait le théologien allemand Dietrich Bonhoeffer
Pour beaucoup d’hommes, Dieu ne fait en effet plus partie de leur horizon de pensée. Se comprennent-ils pour autant comme incroyants? Le théologien franciscain Arnaud Corbic estime dans un essai qui vient de paraître, que l’indifférence actuelle est plus souvent le fait d’une ignorance ou du refus de la religion, pas de Dieu. Et plaide pour un christianisme non religieux. Notes de lecture.«Définissez-moi d’abord ce que vous entendez par Dieu, je vous dirai si j’y crois ! » répondit Einstein à un journaliste qui lui demandait s’il croyait à l’existence de Dieu. Tout dépend en effet du sens que l’on donne à ce mot.

Le refus d’une conception religieuse de Dieu ou de la religion n’est pas forcément l’incroyance. Acquis aux idées du théologien allemand Dietrich Bonhoeffer, pour qui le christianisme doit être désormais non religieux, en référence au Christ qui n’appelle pas à une religion mais à la vie, Arnaud Corbic met en dialogue des penseurs tels que Marx, Freud, Nietzsche, Camus et Sartre, pour comprendre les différents courants de l’incroyance. Il interroge l’athéisme qui refuse toute conception de Dieu et de toute forme de croyance religieuse, jugée mystificatrice et aliénante. Selon les termes de Karl Marx, « la religion est le soupir de la créature opprimée », alors que pour Freud elle est une illusion produite par nos désirs et le besoin impérieux de satisfaire nos pulsions.

§Parler de Dieu de façon laïque L’agnosticisme, autre variété de l’incroyance, refuse d’entrer dans le débat de l’existence de Dieu. Enfin, l’anticléricalisme est une critique sévère de l’appareil religieux, des Eglises, des prêtres, mais il ne s’accompagne pas nécessairement d’un refus de Dieu alors que l’irréligiosité est le rejet d’une conception religieuse de Dieu. « Nous allons au-devant d’une époque totalement irréligieuse », prédit Dietrich Bonhoeffer de sa prison, après y avoir rencontré des gens qui se passaient de Dieu et qui, sans l’invoquer, luttaient pour rester humain dans un monde totalement inhumain. Il cherche à imaginer un christianisme dans un monde où l’on a appris à venir à bout de toutes les questions importantes sans faire appel à l’hypothèse de Dieu, et où il apparaît que tout va sans Lui aussi bien qu’auparavant. Bonhoeffer pense un Christ pour des hommes sans religion et réfléchit à la façon de parler de Dieu de façon laïque.

« Le monde, devenu majeur, est un monde sans Dieu, et, pour cette raison, peut-être plus près de Dieu que ne l’étais le monde mineur ». En rendant Dieu à lui-même, Bonhoeffer rend, du même coup, l’homme à son autonomie, libre d’aimer Dieu pour rien, gratuitement, au centre de la vie, ou de le refuser. Le théologien allemand prend acte positivement du projet de l’homme moderne de devenir humain sans Dieu. Car pour lui, l’existence sans Dieu ne cesse d’être un chemin vers Dieu pour qui fait le difficile apprentissage d’une authentique liberté. L’incroyance serait une chance pour la foi. Ce que veut croire Arnaud Corbic.

§Arnaud Corbic, « L’incroyance, une chance pour la foi ? » 99 pages, février 2003 , éd. Labor et Fides.