Des laïcs redonnent de la voix aux Eglises

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Des laïcs redonnent de la voix aux Eglises

9 octobre 2003
Les institutions réformées veulent revenir au centre de la Cité
Publicité, communication, information : trois axes pour mieux faire connaître leur identité, l’étendue de leur offre et ce qui les motivent. Et de plus en plus, les artisans de cette visibilité ne sortent pas de leurs rangs.Journaliste, historien de formation, Paolo Marini habite dans le canton de Vaud, est d’origine italienne et de culture catholique. Le 1er septembre dernier, l’Eglise réformée du canton de Neuchâtel (EREN) l’a engagé comme chargé d’information et de communication. « Heureusement, il n’était pas précisé qu’il fallait être protestant, habiter le canton et fréquenter le temple tous les jours », sourit ce quadragénaire dynamique, Suisse d’adoption depuis 1996.

Paolo Mariani l’avoue, le choix de l’EREN est « courageux ». Il n’aurait d’ailleurs pas franchi le pas si l’offre provenait de l’Eglise catholique « trop dogmatique ». Plein d’énergie devant ce nouveau défi, il se réjouit de promouvoir « des valeurs protestantes, comme la liberté individuelle ou la démocratie », afin que l’Eglise retrouve « une vraie présence dans la société ». « Honnêteté plutôt que conviction »Mais justement, de manière générale, quelles marques d’identification veulent montrer les Eglises réformées en pleine recherche de visibilité ? Un laïc compétent, détaché de toute vie paroissiale locale, sans réelle empathie avec le témoignage évangélique qui demeure la raison d’être première de l’institution ecclésiale, peut-il s’en charger ? Autrement dit, de manière plus polémique, peut-on vendre une foi laquelle on ne croit pas soi-même ? « Sans aucun doute », estime John Grinling. Le chargé d’information de l’Eglise protestante genevoise (EPG) se définit lui-même avec une pointe de provocation comme un « mercenaire » : « Je ne suis pas un soldat combattant pour un idéal. Même si ma formation théologique me permet une connivence intellectuelle avec ce qui motive l’Eglise, je remplis ma fonction sans faire intervenir mes choix personnels ».

Pour cet ancien communicateur de plusieurs ONG internationales, dont la Croix-Rouge, « les Eglises gagneraient d’ailleurs à dissocier leur fonctionnement administratif et financier, en les professionnalisant, d’avec la transmission de l’Evangile qui les fonde ». Cela permettrait, par exemple, de renforcer l’identité corporative très faible de l’institution, et donc la communication interne entre ses membres. Selon John Grinling, de ce point de vue, un bon professionnel doit pouvoir travailler dans n’importe quel contexte, y compris ecclésial.

Responsable du service protestant de la Radio Suisse romande, le pasteur et journaliste Michel Kocher ne pense pas autrement. Ce qui compte, c’est de surmonter « l’incapacité des Eglises réformées à prendre la parole. Alors que nous prônons la culture du débat, et que nous avons souvent de quoi l’alimenter, nous nous auto censurons ». Pour cela, il faut des gens compétents et pas forcément des ministres : « Quelqu’un d’extérieur ne sera pas considéré comme une menace par ses pairs, et demeurera plus proche des préoccupations des gens ». L’important, c’est donc davantage « l’honnêteté intellectuelle » que la conviction elle-même. Une évolutionDu côté de l’Eglise réformée vaudoise (EERV), un chargé de promotion entrera en fonction dans quelques semaines. L’EERV a engagé pour ce poste à mi-temps un pasteur, Daniel Fatzer. « Il devra aider l’Eglise à se rendre plus visible, entre autres lors de manifestations traditionnelles comme le Comptoir, ou à l’occasion d’événements spécifiques à créer », détaille le Conseiller synodal Etienne Roulet. Le choix d’un homme du sérail s’explique en partie par le fait que pour l’instant, en attendant que le Grand Conseil vaudois accepte la nouvelle loi ecclésiastique, le canton ne prend pas en charge les postes laïcs. A terme, cependant, l’EERV espère former un tandem de communication, en s’assurant aussi les services d’un professionnel de la pub.

Pierre Marguerat, qui reste attaché de presse et responsable de l’information interne, y voit le signe d’une évolution. « Lors de ma nomination, en 1990, l’Eglise désirait un ministre au bénéfice d’une formation théologique, qui soit par exemple capable de montrer les enjeux ecclésiaux d’une réorganisation des structures. A l’avenir, cette volonté pourrait être réexaminée ». Bref, on peut tout aussi bien considérer que la foi et la compétence théologique ne soient pas l’affaire d’un communicateur.

Pour sa part, malgré les difficultés, Pierre Marguerat s’avoue plutôt à l’aise dans une fonction où il s’ouvre aux attentes des journalistes tout en étant partie prenante de la vie d’Eglise. Au contraire, Paolo Mariani pense qu’une certaine distance « peut aider à mettre le doigt sur ce que l’on ne voit plus lorsque l’on est trop impliqué ». Deux conceptions pour arriver à un résultat identique : élargir la visibilité institutionnelle et faire entendre les engagements des protestants.