Livre: "Les morts" de Robert Harrisson Au secours, mes aïeux!

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Livre: "Les morts" de Robert Harrisson Au secours, mes aïeux!

16 octobre 2003
Quelles relations entretenons-nous avec les morts ? Professeur à l’Université de Stanford en Californie, Robert Harrison éclaire nos rapports à ceux qui nous ont précédés à travers des textes littéraires, de la Bible à Baudelaire, de Dante à Heidegger et nous rappelle que les morts nous rattrapent toujours
« Pour la première fois dans l’histoire humaine, nous ne savons pas où nous serons enterrés, à supposer d’ailleurs que nous soyons enterrés. La probabilité de l’être aux côtés de nos géniteurs devient de plus en plus faible ». Pour Robert Harrisson, ce constat est stupéfiant d’un point de vue historique et sociologique. Il y a quelques générations de cela, il eût été impensable de ne pas connaître à coup sûr le lieu de son séjour posthume. Etre enterré là où ses aïeux le furent avant soi était une façon de marquer son appartenance à un lieu, à une terre, celle de ses ancêtres, et à une lignée. « Enterrer les morts ne signifie pas seulement faire reposer les corps dans le sol, c’est plus largement conserver, préserver, garder le passé à disposition».

L’auteur nous emmène dans une flânerie originale à travers des textes littéraires et nous invite à poser un regard lucide sur notre propre mort plutôt que de la nier ou de vouloir à tout prix la contrôler, comme si elle nous appartenait, allant jusqu’à organiser nos propres funérailles.

Il nous rappelle le lien d’allégeance qui existe entre les morts et ceux qui sont encore à naître, dont nous sommes un maillon. Nous avons beau faire mine d’ignorer ou de rejeter l’autorité de ceux qui nous précèdent, les morts nous rattrapent toujours. Nous marchons dans leurs pas. Consciemment ou non, nous accomplissons la volonté de nos aïeux. La loi, le langage, l’art, tout ce qui repose sur une transmission, a toujours pour auteurs ceux qui nous ont précédés. Nous héritons de leurs obsessions, reprenons leurs causes, leurs fardeaux, nous perpétuons leur mentalité, leurs idéologies et nous nous transmettons parfois inconsciemment les secrets qui ont plombé leur vie. Notre diligence, notre audace, notre rectitude, mais aussi nos folies, nos rancunes et nos haines pathologiques sont autant de legs que nous transfigurons librement.

Rien de mieux, pour échapper à la tyrannie des morts et conquérir un espace de liberté véritable, que de reconnaître l’héritage de ceux qui nous ont précédés et d’accepter notre propre mortalité avec lucidité. En nous confrontant à la mort, nous nous confrontons à nos morts. Ce qui permet de négocier avec eux de façon authentique pour nous épargner de répéter l’histoire, et évoquer la volonté de nos ancêtres. Robert Harrisson, Les morts, 285 pages, éd. Le Pommier, sept. 2003.