Genève: la pastorale des recommençants, un repère pour les distancés de l'Eglise

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Genève: la pastorale des recommençants, un repère pour les distancés de l'Eglise

5 novembre 2003
Avec la "pastorale des recommençants" qu’il a créée à Genève, un psychologue renoue des liens avec des croyants non pratiquants qui se sont distancés de leur Eglise
Il leur donne la possibilité de dialoguer avec d'autres personnes dans la même situation et d'approfondir leur spiritualité hors de l'institution. Enquête.«Un(e) recommençant(e) est une personne qui a déjà été initiée à la vie ecclésiale mais qui s’est distanciée de l’Eglise pour différentes raisons » explique Sœur Marie Bosco Berclaz, responsable de la catéchèse des adultes de l’ECR genevoise. « J’étais brouillée avec l’Eglise, notamment à cause de certaines prises de position du pape », explique Fabienne. Elevée dans une famille catholique, elle s’est éloignée de l’Eglise à l’âge adulte, ne se retrouvant plus dans l’institution, à l’image d’un grand nombre de croyants qui se sont distancé de leur Eglise. Ce phénomène touche aussi les protestants. Félix Moser, professeur à la faculté de théologie de Genève, avance son analyse : «Les Eglises ne proposent plus rien de structuré. Elles ont trop mis l’accent sur l’événementiel ». Auteur d’une thèse intitulée « Les croyants non pratiquants », il estime que l’institution a négligé la demande spirituelle des gens. Pour renouer avec les croyants distancés, la pastorale des recommançants revisite justement l’histoire spirituelle de chacun des participants, jusque-là mise de côté. Elle est une invitation à faire évoluer « le Dieu de nos 6 ans ».

Les distancés de l’Eglise n’ont pas forcément perdu la foi. Une nouvelle étape de leur vie, la perte d’un proche, la naissance d’un enfant ou la maladie et les voilà qui cherchent à reprendre contact avec leur Eglise. Les raisons qui les y poussent sont aussi différentes que leurs profils religieux. «En arrivant à la quarantaine, je me suis interrogé sur le sens de ma vie», explique Sabine. Elle tombe par hasard sur une affiche de la pastorale et la rejoint, pour chercher des réponses aux questions spirituelles qui la travaillent. La communauté du seuil Laurent Busset accueille ceux qui se sont déconnectés de leur institution par petits groupes de s 6 à 8 personnes. Le groupe progresse grâce aux différentes questions des participants. « En entendant les autres, cela vous met en mouvement », explique Sabine. En solo, le chemin lui aurait semblé plus difficile. «Au début, je pensais que j’allais trouver un arrangement entre quat’z’yeux avec Dieu » ajoute-t-elle. Elle reconnaît que la communauté lui a permis de faire grandir sa foi. Un constat s’impose après une année au contact des autres : « On est relié à Dieu par les autres ». «On a tous emprunté des voies diverses, mais le même désir nous réunit», ajoute Fabienne. La pastorale lui a permis de stimuler sa foi, sans toutefois renoncer à son esprit critique.

Félix Moser parle d’une communauté du seuil. « En groupe, on effectue un parcours structuré ». 3 variables lui semblent incontournables pour mener à bien cette démarche : être en confiance, pouvoir se raconter librement et entrer en relation avec les autres. Il faut une relation interpersonnelle, la confrontation aux autres pour éviter la dépendance. L’institution est garante de certaines valeurs. « Il est important de donner la parole aux gens, de les mettre en contact avec la Parole de Dieu et avec celles des autres », précise pour sa part Sœur Marie Bosco Berclaz. Selon elle, les chrétiens souffrent d’un trop grand isolement. Aujourd’hui on ne parle ni à se collègues , ni à ses amis, de la dimension spirituelle qui nous habite. Pour y remédier, elle encourage la création de petites communautés de foi capables de répondre aux attentes des adultes. « La communauté devient la Parole qui témoigne et un espace de célébration » ajoute-t-elle.

Pour que des communautés fonctionnent, iexplique encore Félix Moser, « il faut que celui qui se lance se sente en sécurité et qu’on l’aide à prendre des risques ». La certitude de se retrouver avec des personnes qui ont aussi emprunté des chemins parfois chaotiques, est rassurante. Un climat de confiance s’instaure.Spiritualité sur mesureLa grande liberté de pensée et d’action qu’offrent de tels groupes séduit et convainc de faire le premier pas. «Je n’ai pas ressenti une intrusion de l’Eglise dans ma vie », reconnaît Fabienne. Après une année au sein de la pastorale des recommançants, chacun se dirige là où bon lui semble. On renoue des liens mais sans aucune obligation. La fréquentation de cette mission n’équivaut pas à un retour vers une paroisse classique. Sabine se considère toujours comme un électron libre et ne veut pas s’engager dans un lieu précis. Grâce à la pastorale, elle est désormais reliée à une communauté de foi. « On quitte le prêt-à-penser pour entrer dans le sur-mesure », analyse Félix Moser. L’institution ne peut pas être la seule à nourrir cet échange. L’Eglise ne doit pas immédiatement combler le manque que les gens éprouvent en leur proposant un produit fini » renchérit le théologien genevois. Le risque serait de d’entrer dans une logique de consommation.

« L’Eglise est humaine, donc elle a des défauts », explique Fabienne, réconcilipée avec son Eglise, qu’elle juge délsormais plus ouverte que celle de son enfance. Une Eglise où l’esprit compte plus que la lettre » conclut-elle. Ce retour vers l’institution, amène les recommançants à la juger moins durement. « Ils se rendent compte que l’Eglise, c’est eux ! » constate Sœur Marie.