Livre: "L’affaire Jésus et les Juifs"

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Livre: "L’affaire Jésus et les Juifs"

7 novembre 2003
L’antisémitisme toujours prêt à rejaillir, il est essentiel de remonter aux racines de l’antijudaïsme à travers une relecture nuancée et sans passion des textes bibliques mais aussi rabbiniques pour venir à bout, enfin, de l'antagonisme et de la haine
Ce que fait le théologien réformé Peter Tomson dans un livre bien documenté, « L’affaire Jésus et les Juifs ». Il aura fallu les millions de morts juifs de l’holocauste pour que les Eglises chrétiennes prennent conscience de leurs responsabilités dans l’antijudaïsme, puis dans l’antisémitisme. Il aura fallu attendre l’aube du 3e millénaire pour que les chrétiens acceptent la composante juive de leur patrimoine et assument pleinement la judaïté de Jésus.

A l’origine de toute l’affaire, un Juif d’une trentaine d’années, convaincu que l’avènement du royaume de Dieu était proche, qu’il était envoyé pour annoncer cette bonne nouvelle. Il respectait à sa manière la Loi de ses ancêtres. « Ne croyez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes, je ne suis pas venu abolir mais accomplir ».

Peter Tomson démontre que Jésus s’est largement inspiré de la littérature rabbinique pour son enseignement. De nombreux récits indiquent qu’il était très attaché à Jérusalem et au Temple. La profanation de ce dernier par les marchands et les changeurs le bouleversait au point qu'il s'en est pris à eux de façon spectaculaire. De nombreux Juifs crurent les paroles de ce Jésus. Mais tous n’étaient pas convaincus que l’heure du Messie avait vraiment sonné, qui devrait instaurer un royaume de paix et de justice. Certains virent en lui une menace et parvinrent à s’en défaire par l’intermédiaire des Romains. Or sa mort ne mit pas un point final à l’affaire. Au contraire, elle démarrait.

Le bibliste néerlandais étudie Jésus et ses rapports avec les Juifs, puis ceux qu’entretinrent ses disciples puis les pères de l’Eglise chrétienne. Il le fait dans dans une perspective historique et à travers les textes bibliques, mais aussi rabbiniques, que les exégètes chrétiens ont longtemps négligés. Ce qui lui permet de mieux comprendre Jésus en tant que Juif parmi des siens. Il analyse avec nuance l’histoire de l’antijudaïsme chrétien, cherchant ce qui, au départ, unissait synagogues et Eglises, puis ce qui, à partir du 2e siècle, les divisa de façon irrémédiable. C’est à cette époque que le courant principal du christianisme devint un mouvement exclusivement non juif. Mais c’est seulement au début du 4e siècle, lors de la conversion de l’empereur Constantin, que la situation des Juifs se détériora véritablement. Privés de droits, ils furent alors ballottés et rejetés d’un pays à l’autre. Au 16e siècle, la Réforme se montra un peu plus tolérante à l’égard des Juifs, ce qui n’empêcha pas Martin Luther de débiter des horreurs sur eux quand il était contrarié.

Après la Seconde Guerre mondiale, au cours de laquelle la moitié des Juifs établis en Europe fut anéantie, plus personne n’éluda le judaïsme. Les chrétiens se mirent à redécouvrir leur parenté spirituelle avec lui et acceptèrent peu à peu de reconnaître que leur credo, « Jésus est le Messie », ne reflète qu’une partie de la réalité divine. "Devant Dieu, Juifs et chrétiens se trouvent dans leur prière en face du même Créateur,du même Sauveur, rappelle Peter Tomson. Une affirmation qui mettra encore du temps à s’imposer. La famille judéo-chrétienne est encore loin d’être recomposée.Peter Tomson, L'Affaire Jésus et les Juifs,183 pages, éd. Cerf, 2003