L’éthique face au clonage

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L’éthique face au clonage

13 novembre 2003
Invité à Lausanne par l’Université du 3e âge, le théologien Alberto Bondolfi, membre de la Commission nationale d'éthique, a évoqué quelques aspects de la réflexion qui entoure l’important débat sur le clonage
A Berne, le projet de loi avance. En automne prochain, la loi sur « la recherche concernant des êtres humains » devrait être sous toit. Ce texte intègrera des éléments importants sur le clonage, objet de toutes les craintes depuis plusieurs années. La semaine dernière à Lausanne, l’Université du 3e âge avait invité le théologien catholique Alberto Bondolfi pour évoquer cette question hautement polémique.

Devant une salle Paderewski bien remplie, ce professeur de l’Université de Lausanne a commencé par clarifier le champ de la réflexion éthique dans ce domaine, qui est aussi celui de la commission nationale d’éthique dont il fait partie : « Si nous sommes de plus en plus sollicités par le pouvoir politique, c’est parce que nous offrons un lieu où se rencontrent les trois domaines de la recherche, du droit et d’une réflexion rationnelle sur les enjeux ».

Le clonage constitue une problématique nouvelle. L’acquis ne suffit pas, il faut défricher des pistes pour en débattre. Question de définition d’abord. « Dans le sens contemporain, le clonage n’est plus seulement la duplication à l’identique d’un organisme, mais la possibilité d’une reproduction non sexuée à partir d’un ovule et d’une cellule somatique ». Quel clonage ?Pour l’heure, rappelle Alberto Bondolfi, tout le monde s’accorde à bannir ce clonage dit reproductif, « à la fois moralement inacceptable et médicalement très risqué », estime le chercheur. Le sujet véhicule nombre de fantasmes, de la possibilité de créer des êtres humains en série un peu à la manière de Huxley dans Le Meilleur des Mondes, au façonnage d’une race de « sous-hommes » dévolus aux tâches ingrates. Tout le monde se souvient par exemple du récent émoi provoqué par la falsification scientifique des Raéliens, qui prétendaient avoir réussi le clonage d’un enfant. La fausse nouvelle provoqua un incroyable tapage médiatique durant plusieurs jours, ne faisant qu’alimenter des peurs infondées. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Alberto Bondolfi avoue avoir pour la première fois refusé toute interview. Pour envisager de telles perspectives, « il faudrait penser que nous sommes entièrement déterminés par nos gênes. Or il est naturellement illusoire de croire que l’on peut recopier un homme à partir de son seul patrimoine génétique, que notre identité est le seul fruit de mécanismes biologiques ».

L’article 119 de la Constitution fédérale interdit toute forme de clonage. Mais, à l’époque de sa rédaction au milieu des années 90, la seconde sorte de clonage dit thérapeutique n’existait pas. Celui que l’on nomme encore « clonage de recherche », soit la manipulation d’embryons existants en vue d’éviter ou de détecter certaines maladies, constitue pour Alberto Bondolfi « la seule piste médicalement censée et moralement acceptable, même si elle pose de nombreuses questions ».

A l’ONU comme au Conseil fédéral, la réflexion se poursuit à ce sujet. Quelle interprétation donner à cette interdiction du clonage ? Certains réclament une lecture ferme, soit une prohibition absolue et permanente. D’autres estiment qu’il faut s’adapter à l’évolution scientifique, et ne pas mettre dans le même panier clonages reproductif et thérapeutique. Un débat à prendre au sérieux, parce qu’il modifie notre rapport au vivant, nous apportant un nouveau pouvoir sur ce dernier. Alberto Bondolfi : «En tant que catholique, je porte le traumatisme de la condamnation de Galilée, et me méfie des ‘jamais’. Par ailleurs, en tant que croyant, je crois que la vie est un don de Dieu, et dois me demander ce que cela signifie dans ce contexte ».