Suisse romande: aucune polémique à propos du foulard islamique

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Suisse romande: aucune polémique à propos du foulard islamique

20 novembre 2003
Contrairement à la France qui prépare une loi pour l'interdire, la Suisse romande se montre ouverte au port du "hidjab" à l’école
Enquête.Alors qu'en Allemagne et surtout en France la polémique bat son plein, la question du voile islamique à l'école ne crée aucune polémique en Suisse romande. Dans chaque canton, la réponse s’avère identique : le respect des convictions politiques et religieuses de la personne prime. Si le voile - ou le foulard - demeure interdit pour les enseignant(e)s, il est autorisé pour les élèves. Une attitude d’ouverture qui semble ne soulever aucune contestation.

« Nous nous basons sur une directive du Conseil d’Etat datant de 1997, explique à Fribourg Michel Perriard, secrétaire général de l’Instruction publique cantonale. Le port du voile est admis, sauf s’il y a prosélytisme manifeste et tant que l’enseignement ne s’en trouve pas troublé ». En ce qui concerne d’éventuelles dispenses de cours de gymnastique, seule la natation pour les filles peut faire l’objet d’une demande de dispense. Depuis plusieurs années, le Département avoue ne pas avoir connaissance de cas posant problème.

A Neuchâtel, la prise de position politique date de 1998 et comporte la signature de Thierry Béguin. Le ministre avait cassée la décision d’exclusion envers une fillette voilée donnée par la commission scolaire de la Chaux-de-Fonds. « L’argument principal était l’injustice consistant à interdire l’accès à l’éducation et la possibilité pour un enfant de se former aux valeurs de la République », se souvient le chef du Service de l’enseignement obligatoire Jean-Claude Marguet. Selon lui, notamment grâce au travail d’une commission pour l’intégration des étrangers, tout se passe pour le mieux et ce type de requête ne concerne qu’une infirme minorité des quelques centaines d’élèves musulmans. Le "oui mais" vaudois au foulardDans le canton de Vaud, Ulrich Scheiddeger, responsable d’unité au sein de la Direction pédagogique de l’enseignement obligatoire, vient de réunir des avis de droit à la demande de deux établissements. Se basant sur la liberté de conscience garantie par la Constitution fédérale et différents jos_content de la Convention européenne des Droits de l’Homme, Vaud permet le port du voile pour les élèves, avec certaines restrictions. « D’une part, l’intérêt public, en l’occurrence la paix confessionnelle, doit être maintenu. Par ailleurs, il faut que cela ne dérange par les camarades et les parents », explique Ulrich Scheiddeger.

A partir de ce cadre général donné aux quelque 90 établissements scolaires du canton, « chacun fabrique du pédagogique ». A Yverdon-les-Bains, le collège secondaire de Felice est l’une des deux écoles vaudoises qui ont désiré l’aval du Département. « Favorable à un consentement, l’équipe de maîtres avait besoin de légitimer sa position », explique le directeur Georges Berney. Lors de la dernière rentrée, une seule élève parmi le millier que compte l’établissement est arrivée en classe avec un foulard discret, qui ne couvre pas tout le visage », précise la direction. « C’était une première. Et pour le moment, cela n’a suscité aucune réaction négative. Mais il est vrai que nous n’avons pas ressenti cela comme une revendication de la part de l’élève ou de sa famille », souligne encore Georges Berney.

Même ligne de conduite du côté de Genève. Début 1995, la Conseillère d’Etat Martine Brunschwig Graf rend une décision qui fait toujours autorité : Une école laïque, respectant les convictions des élèves et de leurs parents, peut admettre le port de signes à connotation religieuse, que ce soit un voile, une kippa ou une croix. « Nous estimons contribuer davantage à lutter contre ce qui est aussi une forme de discrimination pour les femmes en leur offrant une formation qui favorisera leur autonomie et de leur faculté de discernement », explique Frédéric Wittwer, secrétaire général du Département de l’instruction publique. En revanche, comme ailleurs, tout le monde doit suivre l’ensemble des cours prévus par le programme, exception faite de la natation. Liberté religieuse pas illimitéeCertes, reconnaît Frédéric Wittwer, le voile est l’indication d’une pratique religieuse. Mais prendre le risque d’exclure une élève de l’école reviendrait à priver la jeune fille « d’une formation générale solide préparant à participer à la vie civique, sociale et politique du pays », ce qui reste la mission première du système scolaire obligatoire. Par contre, rappelle le secrétaire général du Département genevois de l’instruction publique, tant le Tribunal fédéral que la Cour européenne ont considéré le port du voile islamique par une enseignante comme un signe « ostentatoire de la religion musulmane pouvant influencer les élèves », acte considéré donc à Genève et dans toute la Suisse romande comme incompatible avec l’école laïque.

De manière générale donc, le mot d’ordre est à la tolérance, gérée au cas par cas par les directeurs eux-mêmes. Rien à voir avec l’intransigeance pratiquée par nos voisins français pour lesquels « la laïcité n’est pas négociable » selon les termes récemment tenus par Jacques Chirac, qui a décidé de demander une loi interdisant le port du voile islamique à l’école. Cependant, la souplesse actuelle pourrait se voir remise en question si le voile devenait enjeu de propagande. En Suisse, la liberté religieuse est protégée, elle n’en est pour autant pas illimitée, s’arrêtant au maintien de l’ordre public – ou scolaire – et au droits fondamentaux d’autrui.