Livre : « La prison juive »Assignation forcée à la différence

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Livre : « La prison juive »Assignation forcée à la différence

21 novembre 2003
Travaillé par l’idée que les Juifs pourraient bien s’être imposé un destin carcéral au nom de l’Election, Jean Daniel, journaliste au Nouvel Observateur, s’est lancé, dans son dernier essai dans une dérangeante méditation sur la condition juive En élisant le petit peuple d’Israël, Dieu n’a-t-il pas investi les Juifs d’une mission inhumaine, qui va devenir une assignation forcée à la différence ? Pour Jean Daniel, Dieu, en aimant ce petit peuple, le prive de sa liberté
Il le force à une servitude. Le respect de l’Alliance, explique l'auteur, condamne forcément à la sainteté : en étant Elu, on ne peut que tendre à la perfection et être un témoin, c'est-à-dire un Juste, ou un prêtre. Et l’auteur de citer la première Epître attribuée à Pierre : « Israël, royaume de prêtres, nation sainte, peuple élu ». Cette élection est impossible à vivre et lourde aux descendants des descendants.

Jean Daniel estime que « les Juifs s’étaient eux-mêmes et délibérément enfermés dans une véritable prison et qu’ils l’aimaient à la passion ». Cet enfermement identitaire, cette condition dont il semblait illusoire et suspect de vouloir sortir, il les refuse en bloc pour être libre de ses choix, de ses engagements et de son appartenance. Un refus difficile, tant il est douloureux d’être accusé de trahir ses pairs et de renier ses racines.

Il revisite les textes rabbiniques et la Bible, mais aussi l’histoire pour mener un travail de réflexion, commencé à l’indépendance de l’Algérie et poursuivi jusqu’à aujourd’hui. Il analyse comment, après la Shoah, le judaïsme n’est plus présenté « comme un choix mais comme une appartenance. Et dérange en rappelant aev lucidité que depuis l’apparition d’un Etat hébreu souverain, les Juifs, et plus précisément les Israéliens, sont entièrement responsables de leurs actes, ne dépendant que de leur volonté et de leur idéal. « Pour la première fois depuis deux mille ans, les Israéliens sont maîtres de leur destin national. Ils sont dans le faire et non plus seulement l’être. Or voici que certains d’entre eux, enténébrés à jamais par la fatalité du Mal, se révèlent incapables de distinguer entre les désastres qu’ils ont subis à Auschwitz et les guerres qu’ils livrent, à égalité avec leurs ennemis, en Israël ».

Témoin et acteur de l’histoire, Jean Daniel stigmatise l’Etat d’Israël, qui, pour en finir avec l’antisémitisme chrétien, s’est développé en nourrissant un nouvel antisémitisme arabe. Il en conclut que l’invention de l’enracinement territorial de la Promesse est une « chose effroyable ». Bien conscient que son livre va provoquer des grincements de dents et des réactions passionnées, il précise, dans sa conclusion, qu’il souhaite être compris dans sa démarche intellectuelle, politique et personnelle, pas approuvé ».Jean Daniel, La prison juive, éd.Odile Jacob, octobre 2003