Noël intéresse aussi les musulmans

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Noël intéresse aussi les musulmans

19 décembre 2003
Pour les 310'807 musulmans de Suisse, Noël correspond à la naissance du prophète Jésus
Quel regard portent-ils sur cette fête chrétienne ? Respect : c’est le mot qui revient le plus souvent quand on parle de Noël avec des musulmans en Suisse. Pour eux, ce n’est pas un simple échange de cadeaux qui fait le bonheur des commerçants. « Je fais la différence entre la dimension spirituelle et le côté païen de cette fête», témoigne Hafid Ouardiri, porte-parole de la Mosquée de Genève. Ce qui le choque, c’est l’étalage de biens de consommation face à la précarité qui touche la plus grande partie de monde. Mais le responsable genevois juge qu’en aucun cas l’exploitation commerciale de cette fête n’est liée à sa signification chrétienne. « Les cadeaux sont faits pour renforcer les liens », renchérit le porte-parole qui cite le Coran : « Offrez-vous des cadeaux, vous vous aimerez plus ».

Pour les Musulmans, Jésus n’est pas le fils de Dieu. Mais ils lui réservent, ainsi qu’à Marie, une place importante dans leur tradition. A la Mosquée de Genève et au Centre islamique de Lausanne, le 24 et le 25 décembre, après la prière, on évoque ces deux personnages dans la religion musulmane. On parle du prophète Jésus et de Meriem (Marie), une femme exemplaire qui a reçu l’ordre divin de mettre au monde un messager de Dieu. « On met en évidence les enseignements que l’on peut retirer du mode de vie de ce prophète », ajoute El-Rifai Mouwaffak, imam au Centre islamique de Lausanne. Les fêtes seraient-elles l’occasion de renforcer le dialogue interreligieux ? « Bien sûr, mais il faut surtout communiquer tout au long de l’année pour lutter contre les préjugés réciproques », répond l’imam lausannois. Les jours fériés ne sont pas un cheval de batailleEn France, la commission Stasi évoque la possibilité d’instaurer un jour férié pour l’ Aïd-El-Kebir ? Est-ce également une demande en Suisse ?« Nous ne rencontrons pas de problèmes pour obtenir des dispenses scolaires à cette occasion », déclare ce guide spirituel. Aucune revendication ne semble être à l’ordre du jour.

Protestante convertie à l’Islam depuis une douzaine d’années, Isabella ne fête plus Noël. Dans l’appartement de cette famille genevoise, le sapin de Noël ne trône pas au milieu du salon. « Je souhaite un Joyeux Noël à ma famille et je fais des cadeaux à mes neveux », raconte-t-elle. Les décorations et l’ambiance festive sont réservées à la période du Ramadan. « Je respecte cette fête chrétienne, mais aujourd’hui ma foi est musulmane », témoigne-t-elle. La conversion pour ses parents n’a pas été douloureuse. « Ils ont toujours été tolérants et aujourd’hui ils comprennent que je ne fête plus les mêmes événements », conclut Isabella. La spiritualité avant le commerce« La religion musulmane nous encourage à ne pas dénigrer les autres confessions », explique Jamel qui habite depuis deux ans à Martigny. Il a passé son enfance à Bagnolet, près de Paris. Loin de l’image du jeune banlieusard musulman intégriste, il fait partie de ces nombreux croyants tolérants. Pour les vacances de fin d’année, il ne peut pas toujours rentrer en France. Des amis chrétiens l’invitent à passer les fêtes chez eux. Employé dans un magasin, il voit affluer les clients avant la fin de l’année. Pourtant, il ne veut pas réduire Noël à une simple fête mercantile. Il trouve important de conserver sa dimension religieuse à l’événement et explique qu’il « serait dommage de voir des événements très commerciaux comme Halloween, prendre le dessus ». Noël est pour lui l’occasion de combattre les préjugés et de s’intéresser aux autres. « J’invite volontiers des amis chrétiens lors de l’Aïd-El-Kebir », conclut-t-il.