Socialistes et chrétiens: je t'aime, moi non plus!

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Socialistes et chrétiens: je t'aime, moi non plus!

15 février 2010
Karl Marx

Didier Rochat, président de la Fédération romande des socialistes chrétiens (FRSC) depuis 8 ans, quitte son poste. Elu du parti socialiste (PS) au législatif de la ville de Neuchâtel, il avait déjà abandonné le PS pour le parti évangélique (PEV) en 2008. L'altermondialiste Théo Buss, ancien secrétaire romand de Pain pour le prochain, est pressenti pour lui succéder. Un virage à gauche?

Pour M. Rochat, les contraintes électoralistes et l’état d’esprit régnant au sein du PS neuchâtelois ont été la goutte qui a fait déborder le vase, a-t-il expliqué à ProtestInfo lors de la réunion de la FRSC à Yverdon. Après huit ans au Conseil général (législatif) de Neuchâtel, il en a eu assez des mots d'ordre, même pour des sujets mineurs. Et puis l'anticléricalisme de plusieurs membres du PS a lassé M. Rochat, théologien de formation et actif dans le secteur des ressources humaines de la Confédération.
En passant sous la bannière du PEV, il a pourtant perdu son siège à Neuchâtel. « Le PEV est nouveau en Suisse romande. C'est difficile d'obtenir le quorum ».  En Suisse alémanique, où le PEV est implanté depuis plus longtemps, il est plus ou moins, selon lui, l'équivalent pour les réformés du parti démocrate-chrétien (PDC) pour les catholiques.
Ambiguïté du terme "évangélique" Le terme évangélique passe moins bien en français qu'en allemand. En Suisse alémanique, le PEV rassemble des réformés (evangelisch) et non des évangéliques (evangelikal), a-t-il expliqué. Mais le PEV ne joue-t-il pas sur cette ambiguïté? De fait, le PEV se développe en Suisse romande principalement grâce à la mouvance évangélique, a-t-il expliqué.

Le PEV se situe au centre-gauche sur les sujets de politique générale, mais il défend une posture plus traditionaliste sur les questions touchant à la famille par exemple. M. Rochat soutient-il l'initiative visant à ne plus rembourser l'avortement par l'assurance-maladie obligatoire? Certains membres de son parti* le préconisent, à l'instar de l'Union démocratique fédérale (UDF), de l'Union démocratique du centre (UDC) et du PDC. « Oui, j'ai été approché sur cette question. Mais non, je ne soutiens pas cette initiative ».

Démagogie

Ne trouve-il pas que des partis, qui affichent une identité chrétienne, s'illustrent dans dans le débat public en choisissant des sujets démagogiques? L'initiative contre les minarets, lancée par l'UDF, ou celle contre le remboursement de l'avortement en font partie. « Je ne suis pas du tout d'accord. Les Eglises officielles ont en général des positions alignées sur les partis gouvernementaux et sur la gauche: cela a été le cas avec la loi sur les étrangers et l'initiative anti-minarets. Non seulement leurs positions ont été peu relayées dans les médias, mais encore elles n'ont pas été suivies par les électeurs ».

Pour en revenir au parti socialiste, M. Rochat estime que les pasteurs et les théologiens, qui en sont membres, doivent faire profil bas. « Et même la Fédération romande des socialistes chrétiens (FRSC) a de la peine à se faire reconnaître par le PS », estime-t-il. Il a senti un durcissement dans les rapports.

Après le vote anti-minarets, les jeunes socialistes en particulier ont brandi la laïcité comme un remède miracle contre le retour du religieux dans l'espace public. Une réaction qui provoque l'incompréhension au sein de la Fédération romande des socialistes chrétiens. « Comment peut-on caricaturer l'action des Eglises à ce point? s'est demandé un participant. Ils ont oublié que c'est à André Biéler, un théologien, à qui l'on doit la création de la Déclaration de Berne, par exemple? »

Pour une laïcité ouverte

Pour Denis Müller, éthicien et théologien, invité par la FRSC, la laïcité, ce n'est pas l'imposition de l'athéisme comme nouvelle norme dominante, comme le préconisent les Jeunes socialistes (Juso). Sympathisant du PS, il regrette la position « très 19e siècle » des Juso sur cette question.

M. Müller défend une laïcité ouverte, définie notamment par Marcel Gauchet, un penseur français laïque, écouté par les élites catholiques de l'Hexagone. Avec cette laïcité ouverte dans une démocratie qui a gagné, « les identités religieuses, spirituelles ou morales (...) sont fondées à  réclamer (...) une expression publique et une reconnaissance de leur rôle, en tant que composantes de l'espace public », a souligné M. Müller dans un texte de M. Gauchet, auteur du livre « La religion dans la démocratie. Parcours de la laïcité».

Tania Buri

INFOS

  • MM. Rochat et Müller ont participé à la journée de réflexion de la Fédération romande des socialistes chrétiens sur le thème « Ces peurs qui nous gouvernent » le samedi 6 février.
  • La FRSC a fêté ses 100 ans en 2008. Elle compte environ 150 membres. Elle publie quatre fois par an un bulletin, appelé « L'espoir du monde ». Liens: www.frsc.ch