Les diacres : approche différente selon les cantons

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Les diacres : approche différente selon les cantons

Tania Buri
19 avril 2011
La réalité des diacres diffère selon les cantons. ProtestInfo a interpellé au moins une personne* par Eglise cantonale. Toutes ont reçu les mêmes questions. Sélection de quelques réponses pour mieux comprendre.




Philippe Genton, pasteur à l'EREV, Monthey, Valais :

ProtestInfo : Les Eglises réformées romandes ont-elles besoin de diacres, puisque les centre sociaux protestants (CSP) sont déjà actifs dans la société au nom des Eglises?

Je regrette que les années aient amené les Eglises à faire soit des diacres des pasteurs, soit des assistants sociaux. Le CSP a la vocation d'assister les personnes que les services sociaux ne pouvaient prendre en charge du fait de leur marginalité administrative, alors que les diacres de paroisses avaient (ont ?) vocation de stimuler les solidarités locales en animant la vie communautaire. Il est parfois navrant de constater que les diacres et le paroisses doivent suppléer à des services sociaux inefficaces et lents. Au lieu de dénoncer ce qui est souvent inadmissible, les paroisses ont parfois un certain orgueil de mieux faire...

Lucien Boder, conseiller synodal des Eglises Berne-Jura-Soleure, Bienne (BE) :

ProtestInfo : Dans le canton de Vaud, il n'y a pratiquement pas de différences entre pasteurs et diacres en terme d'activités, est-ce le cas dans les autres cantons romands?

Depuis Calvin, on se bat avec ce problème. Théoriquement nous voulons des ministères séparés – à Berne, nous insistons sur l’égalité en terme d'importance des deux fonctions, mais aussi sur leurs différences – mais nous ne sommes pas forcément conséquents. Toujours un peu de manière théorique, ce mélange est à mon sens plutôt une bêtise, un appauvrissement : nous ne profitons pas pleinement des compétences spécifiques des uns et des autres.

Il faut encore savoir que les diacres sont, dans les Eglises Berne-Jura-Soleure, employés par les paroisses (postes qu’elles financent directement) ou dans des ministères spécialisés, financés par l’arrondissement. Le canton qui paie le salaire des pasteurs dans les postes paroissiaux officiels ne s'occupe pas des diacres.

ProtestInfo : L'EREN va devoir choisir les activités dans lesquelles elle s'investit, faute de moyens. Confronté à une telle situation, que feriez-vous? Quelles activités abandonneriez-vous? Parlez plus précisément des activités accomplies par des diacres.°

Une Eglise qui se contente de prêcher et d’accomplir des actes ecclésiastiques est en danger de devenir unijambiste, ce qui n’est pas bon pour son équilibre.

Albert-Luc de Haller, Modérateur de la Compagnie des pasteurs et des diacres, Pasteur – aumônier EMS, EPG, Genève :

ProtestInfo : Même question°

Si on avait trouvé la réponse, on n'en serait pas là ! Le critère que je mettrais en place serait proche de ce que d'autres font déjà dans la proximité géographique du lieu concerné. Pourquoi rassembler les personnes âgées alors que le club des aînés le fait déjà ?

Fabrice Demarle, responsable des ressources humaines de l'EREN, Neuchâtel :

ProtestInfo : Les diacres remplacent-ils de plus en plus souvent les pasteurs dans leurs activités spécifiques ?

Au contraire, l’EREN a permis aux diacres de remplacer de moins en moins les pasteurs. La génération de « diacres à vocation pastorale » est maintenant à la retraite. Nous veillons à ce que tant la formation initiale des diacres que leurs cahiers des charges valorisent un profil ministériel original, qui offre une approche concrète de l’Evangile complémentaire à celle du ministère pastoral.

ProtestInfo : Que fait un diacre dans votre Eglise ?

Le diacre est un agent contagieux de l’entraide mutuelle. Le diacre est responsable de la déclinaison de la Parole dans des gestes, des actions, des projets de soutien au plus grand nombre.

ProtestInfo : Dans une Eglise réformée du 21e siècle, quel rôle voulez-vous voir jouer par les diacres?

Il détecte les enjeux de sociétés susceptibles de donner lieu à des projets communautaires d’entraide et de solidarité. Il propose des projets susceptibles de répondre à ces besoins ; il recrute, forme, accompagne les personnes prêtes à s’impliquer. Il vise à ce que les activités d’entraide continuent de manière autonome.

Daniel de Roche, président de l'EERF, Fribourg, président de la Conférence des Eglises de Suisse romande (CER) et membre du Conseil de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) :

ProtestInfo : Est-ce souhaitable que les diacres remplacent les pasteurs dans leurs activités spécifiques ?

Non. La communication publique de l’évangile a besoin d’une formation de base aussi bonne que possible. Et surtout dans une perspective réformée : académique.

* Les personnes contactées ont été proposées à ProtestInfo par l'Office protestant de formation. Les Eglises cantonales ont ensuite accepté les personnes proposées par l'OPF ou proposé elles-mêmes d'autres interlocuteurs.

HISTOIRE

ProtestInfo : Pouvez-nous nous expliquer le fondement théologique de l'activité des diacres dans une Eglise réformée romande?

Jacques-Antoine von Allmen, pasteur, docteur en théologie, chargé de théologie, Institut de Théologie et d’Éthique (ITE), FEPS, Berne :

D’un point de vue théologique, toute l’activité de l’Église et de ses membres (employés ou bénévoles) est empreinte par cette motivation : servir l’autre. Service (en grec diakonein) a donné notre mot diaconie. Le grec diakonos (serviteur) a donné notre mot diacre.

A l’origine, le soin spirituel et le soin pour les besoins quotidiens étaient accomplis par les mêmes personnes au sein de la communauté. Dès le 3e siècle, les membres du clergé (les « ministres », encore un mot, latin celui-là, qui veut dire serviteur) sont de plus en plus dévolus aux tâches théologiques et spirituelles – diacres y compris.

Il faut attendre la réforme et Calvin pour que réapparaisse un ministère des diacres axé sur le bien-être social des plus faibles. La renaissance des diacres en Suisse romande dans les années 70 vient du souci de donner à ceux et celles qui se sentent appelés à un service social dans les Églises ou à leur frontière une vraie dignité de ministre, avec la consécration diaconale à la clé.