Engagement : une famille suisse part pour le Cameroun

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Engagement : une famille suisse part pour le Cameroun

Anne-Sylvie Mariéthoz
21 juillet 2011
Lausanne - Service des Eglises protestantes romandes pour les projets de mission, DM - échange et mission envoie chaque année une quinzaine de personnes auprès d'Eglises partenaires pour participer à des projets de formation ou de développement
Témoignage d'une famille à la veille de son départ.

"Il y a des moments de grand doute, de trouble mais aussi de joie intense, ce n'est pas de tout repos de préparer une aventure comme celle-là", témoigne Agnès Thuégaz, à quelques jours de son départ pour l'Afrique. Avec son mari Patrick et leurs trois enfants âgés de cinq à dix ans, elle s'apprête à partir pour deux ans à Bafoussam au Cameroun.

Les Thuégaz sont tous deux éducateurs et vont s'investir dans un projet scolaire dédié à la jeunesse et à la citoyenneté, dans le cadre du CIPRE (Cercle international pour la Promotion de la Création), une ONG camerounaise d'obédience chrétienne, partenaire de DM - échange et mission.

Un rêve d'Afrique

Il se sera écoulé plus d'une année depuis l'instant où le voyage a été décidé. Un temps de préparation qui peut sembler long, mais qui a été vraiment précieux de l'avis d'Agnès. Parce que, hormis les fastidieux problèmes administratifs, "il nous a surtout permis d'affronter un certain nombre de questions, notamment celles des enfants". Selon l'âge et la personnalité de chacun, les réactions sont en effet très partagées.

Ainsi Camille, l'aînée, se réjouit, "mais on sent qu'elle est déstabilisée à l'approche du départ", et de voir sa maison sens dessus dessous. Gilles le cadet est très enthousiaste, tandis que Lucien se montre plus inquiet. "Nous avons pris beaucoup de temps pour lui expliquer les choses, mais il reste bien des inconnues, car certains points ne pourront être vraiment clarifiés qu'une fois sur place."

L'Afrique, Agnès en a rêvé depuis toute petite, depuis qu'elle a entendu les récits de sa grande tante, missionnaire en Zambie, et d'une autre tante, employée au CICR. Mais le couple a choisi de prendre racine avant de tenter l'aventure. Elle sourit en se remémorant l'époque où ils partaient sac au dos, pour deux mois et où la préparation du voyage se résumait à deux ou trois détails pratiques. L'équipée a pris une autre dimension. L'envie d'ailleurs, de découvertes, n'est plus forcément l'aspect prioritaire. Leur vie est bien plus riche, dans tous les sens du terme et à l'instar de Lucien, l'enfant réfléchi, ils sentent bien tout ce qu'ils laissent derrière eux.

Risquer une autre manière de vivre sa foi

Or, c'est précisément ce "lâcher-prise", cette forme de dépouillement qui est au cœur de leur démarche. "Nous avons un travail qui nous plaît, une vie sociale, une maison agréable.

Il ne s'agit pas de fuir quoi que ce soit, souligne Agnès. En laissant pour un temps notre confort et nos fonctionnements bien rôdés, nous nous donnons la chance de vivre autre chose.

En tant que croyants, nous sommes appelés à être en marche et à ouvrir un espace disponible à la rencontre. Mais dans nos existences bien remplies, nous en venons à oublier que le monde ne se réduit pas à nos contraintes et à nos agendas."

Montrer à leurs enfants que d'autres réalités, d'autres façons de vivre existent, c'est aussi un aspect qui motive Agnès et Patrick. S'il n'est pas forcément simple d'organiser un périple à cinq, cela a aussi du sens de le vivre en famille. "Nos enfants ne sont pas complètement baignés dans la société de consommation, car nous fréquentons beaucoup de gens qui vivent à contre-courant, se battent pour plus d'équité ou pour un grand respect de la nature."

"Toutes ces idées que nous essayons de leur transmettre prennent soudain un tour beaucoup plus concret, poursuit Agnès. Quand nous leur expliquons par exemple, qu'ils ne pourront emporter qu'une petite boîte de jeux et qu'elle devra leur suffire, et qu'ils vont côtoyer des enfants beaucoup plus démunis qu'eux, ils ont l'occasion de réaliser vraiment ce que nous souhaitons leur dire."

Témoigner avant, pendant et après

Pour l'instant, les enfants s'occupent dans le jardin à leurs jeux habituels, tandis que Patrick est occupé à trier. Les pièces se vident et les valises s'empilent dans le salon, dont une grande valise rouge offerte par leur paroisse.

Elle contient quelques objets symboliques reçus de leurs différents groupes d'amis, lors du culte d'envoi célébré au Temple de Martigny un mois avant le départ. Proche de son église, Agnès s'implique depuis plusieurs années dans cette Eglise en tant qu'assistante catéchétique.

Il est d'usage que les envoyés de DM-échange et mission témoignent de leur expérience à leur retour, mais les Thuégaz ont aussi souhaité présenter leur projet dans quelques paroisses avant de partir, dont celles de Martigny et de Château d'Oex.

"Notre démarche s'inscrit dans une Eglise et c'est réconfortant de se sentir accompagnés. L'idée est aussi que notre paroisse puisse profiter de tout ce que nous allons vivre". Ainsi, une personne de contact se chargera de transmettre les nouvelles d'un continent à l'autre et les amis pourront régulièrement en prendre connaissance sur un panneau d'affichage de l'Eglise réformée de Martigny.

S'engager et partir

DM - échange et mission s'attache à faire vivre les relations entre Eglises d'ici et d'ailleurs. L'organisation est présente dans 13 pays, situés principalement en Afrique, mais aussi en Amérique latine et au Proche-Orient. Elle appuie les Eglises locales dans leurs engagements qui peuvent être de divers ordres: vie d'Eglise, formation des pasteurs, santé, développement durable ou éducation.

Le profil des personnes envoyées est assez large. Elles partent plus souvent seules qu'en famille, pour effectuer majoritairement des séjours de moyenne durée (6 à 12 mois). "Ces personnes peuvent venir d'autres Eglises ou n'appartenir à aucune confession, il n'y a pas de restriction, mais elles doivent au minimum adhérer aux valeurs prônées par DM - échange et mission", précise Bertrand Quartier, responsable de la communication auprès de l'organisation. Ainsi, sur une centaine de contacts pris chaque année, une quinzaine aboutissent finalement à un envoi.

Plusieurs entretiens d'engagement ont lieu avec les personnes intéressées, qui doivent également suivre une semaine de formation organisée par DM-échange et mission. Cette formation portant sur les valeurs de l'institution, les outils de communication et le dialogue interculturel, est complétée si nécessaire par des cours ad hoc dispensés par d'autres organismes.

Jeunes gens sur le terrain

Un gage des sérieux qui a pleinement convaincu Charles Matthey, 27 ans, ingénieur en génie électrique. Civiliste, il se prépare pour un séjour de six mois à Cuba avec sa femme Béatrice, infirmière de profession. Il apprécie particulièrement la qualité d'échange, mise en avant par l'organisation. "Contrairement à d'autres organisations s'occupant de placer des civilistes, DM-échange et mission nous donne vraiment le sentiment de nous engager pour un moment de vie, en nous offrant la possibilité de le partager".

La semaine de formation en résidence à Longirod permet aussi de tisser des liens précieux, souligne de son côté Marie-Lorraine Thévoz, 25 ans, enseignante spécialisée, qui prépare un séjour à Madagascar. "Les témoignages des anciens nous mettent les pieds sur terre et nous font utilement réviser nos schémas et nos attentes, pour nous préparer au mieux à la réalité qui nous attend". ASM