« Sur nos monts, quand l’UDC… »

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« Sur nos monts, quand l’UDC… »

Pierre Bühler
21 septembre 2011
L’été fut l’occasion pour nous de voyager en Suisse, en compagnie de visites américaines. Et dès la fin juillet (premier août oblige !), nous les vîmes donc apparaître partout, les grandes affiches de l’UDC pour la récolte de signatures contre l’immigration massive. Mais qui donc paie les millions que coûtent ces affiches répandues par milliers à travers le pays ?

Dessinées dans le style d’affiches devenues tristement célèbres au XXe siècle, elles montrent des jambes noires qui envahissent, tel un troupeau, notre pauvre drapeau suisse ! « Stopper l’immigration massive ! » Même message retrouvé à travers toute la Suisse, qui semble parler d’une seule voix, en français dans nos régions, en allemand à travers toute la Suisse allemande, en italien au Tessin. Tiens, je réalise soudain que je ne l’ai pas vue en anglais : on semble avoir oublié de s’adresser aussi aux touristes venus de l’étranger pour l’été…

Mais qui donc sont-ils, ces millionnaires qui veulent nous faire chanter d’une seule et même voix un nouveau cantique suisse !


« Sur nos monts, quand l’UDC

Nous débarrasse des étrangers

Et prédit des immigrants le départ.

Les affiches de la patrie

Parlent à l’âme attendrie :

Au ciel montent plus joyeux

Les accents d’un pays pur,

Les accents d’un pays enfin pur. »

Mais nos voyages à travers la Suisse m’ont fait découvrir une autre réalité, bien suisse, elle aussi, et en violent contraste avec les affiches : ils nous ont permis de voir combien nous avons besoin de ces étrangers que d’aucuns veulent mettre à la porte. Je me contente de vous donner quelques exemples. Au bord du lac des Quatre-cantons – non loin de la prairie du Grütli ! –, nous avons été servis par une serveuse allemande.

À Biasca, au Tessin, nous avons fait la connaissance d’une serveuse marocaine, comme à Soleure d’ailleurs, (...) . Et la dame qui nettoyait les chambres dans l’hôtel au matin était assurément d’origine africaine.

À Biasca, au Tessin, nous avons fait la connaissance d’une serveuse marocaine, comme à Soleure d’ailleurs, quelques jours auparavant. Et la dame qui nettoyait les chambres dans l’hôtel au matin était assurément d’origine africaine. À Interlaken, nous avons plaisanté avec une jeune serveuse autrichienne, et dans un restaurant de montagne, nous avons fait la connaissance d’un jeune Espagnol. À Aigle, par la porte entrouverte, j’ai vu un asiatique faire la plonge !

Alors, je vous demande : que ferons-nous sans eux, si l’initiative devait passer la rampe de la votation populaire, comme l’espère l’UDC à coups de millions ? Irons-nous cuisiner nous-mêmes, puis nous servir nous-mêmes, et ferons-nous la vaisselle avant de quitter le restaurant ? Et au matin d’une nuit d’hôtel, passerons-nous l’aspirateur et changerons-nous nous-mêmes les draps pour les clients suivants ? À moins que l’UDC ne s’engage à garantir la main-d’œuvre suisse nécessaire, par exemple dans les rangs des jeunes UDC ?

Si j’avais les millions qu’il faudrait, je lancerais une campagne d’affiches intitulée : « Stopper l’hypocrisie massive ! » Le drapeau suisse serait un grand tapis sous lequel nous balayons nos contradictions inavouées…

Cet article a été publié dans :

Dans l'Impartial et l'Express le 15 septembre 2011.