« Sur nos monts, quand l’UDC… »
Dessinées dans le style d’affiches devenues tristement célèbres au XXe siècle, elles montrent des jambes noires qui envahissent, tel un troupeau, notre pauvre drapeau suisse ! « Stopper l’immigration massive ! » Même message retrouvé à travers toute la Suisse, qui semble parler d’une seule voix, en français dans nos régions, en allemand à travers toute la Suisse allemande, en italien au Tessin. Tiens, je réalise soudain que je ne l’ai pas vue en anglais : on semble avoir oublié de s’adresser aussi aux touristes venus de l’étranger pour l’été…
Mais qui donc sont-ils, ces millionnaires qui veulent nous faire chanter d’une seule et même voix un nouveau cantique suisse !
« Sur nos monts, quand l’UDC
Nous débarrasse des étrangers
Et prédit des immigrants le départ.
Les affiches de la patrie
Parlent à l’âme attendrie :
Au ciel montent plus joyeux
Les accents d’un pays pur,
Les accents d’un pays enfin pur. »
Mais nos voyages à travers la Suisse m’ont fait découvrir une autre réalité, bien suisse, elle aussi, et en violent contraste avec les affiches : ils nous ont permis de voir combien nous avons besoin de ces étrangers que d’aucuns veulent mettre à la porte. Je me contente de vous donner quelques exemples. Au bord du lac des Quatre-cantons – non loin de la prairie du Grütli ! –, nous avons été servis par une serveuse allemande.
À Biasca, au Tessin, nous avons fait la connaissance d’une serveuse marocaine, comme à Soleure d’ailleurs, quelques jours auparavant. Et la dame qui nettoyait les chambres dans l’hôtel au matin était assurément d’origine africaine. À Interlaken, nous avons plaisanté avec une jeune serveuse autrichienne, et dans un restaurant de montagne, nous avons fait la connaissance d’un jeune Espagnol. À Aigle, par la porte entrouverte, j’ai vu un asiatique faire la plonge !
Alors, je vous demande : que ferons-nous sans eux, si l’initiative devait passer la rampe de la votation populaire, comme l’espère l’UDC à coups de millions ? Irons-nous cuisiner nous-mêmes, puis nous servir nous-mêmes, et ferons-nous la vaisselle avant de quitter le restaurant ? Et au matin d’une nuit d’hôtel, passerons-nous l’aspirateur et changerons-nous nous-mêmes les draps pour les clients suivants ? À moins que l’UDC ne s’engage à garantir la main-d’œuvre suisse nécessaire, par exemple dans les rangs des jeunes UDC ?
Si j’avais les millions qu’il faudrait, je lancerais une campagne d’affiches intitulée : « Stopper l’hypocrisie massive ! » Le drapeau suisse serait un grand tapis sous lequel nous balayons nos contradictions inavouées…
Cet article a été publié dans :Dans l'Impartial et l'Express le 15 septembre 2011.