Un soutien sans consigne de vote

En 2020, des banderoles en faveur de l’initiative « pour des multinationales responsables » avaient été accrochées sur des temples et des églises. Les autorités ecclésiales devraient appeler cette fois à davantage de modération. / © Vera Rüttimann
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En 2020, des banderoles en faveur de l’initiative « pour des multinationales responsables » avaient été accrochées sur des temples et des églises. Les autorités ecclésiales devraient appeler cette fois à davantage de modération.
© Vera Rüttimann

Un soutien sans consigne de vote

Stratégie
Très critiquée il y a cinq ans pour son engagement en faveur des multinationales responsables, la faîtière des réformés pourrait se montrer beaucoup plus modérée avec la nouvelle initiative.

La coalition pour des multinationales responsables remet le travail sur le métier. Elle a mené, en janvier, une récolte de signatures express pour faire voter une nouvelle fois le peuple sur l’introduction d’un devoir de diligence pour les entreprises suisses en matière de violation des droits humains et des atteintes à l’environnement. En clair, pour que la responsabilité des multinationales de notre pays puisse être engagée en cas de manquement de leurs filiales ou sous-traitants à l’étranger. La récolte avait à peine commencé, que déjà la question se pose: quelle position les Eglises réformées doivent-elles adopter?

Soutien en 2020

En 2020, la campagne avait été particulièrement intense. La Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), devenue Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS), avait soutenu le projet puis appelé à voter «oui». De nombreuses paroisses s’étaient parées de banderoles aux couleurs de l’initiative. Parmi les croyants, des voix s’étaient élevées pour dénoncer cette prise de position. 

«Ce que j’appelle les chrétiens à faire, plutôt que d’imposer des règlements, c’est à faire en sorte que leurs actes soient des témoignages des valeurs qu’ils défendent», expliquait par exemple l’entrepreneur Jean-Pascal Bobst sur Réformés.ch. Mais les retombées les plus sérieuses de ce soutien à l’initiative – qui a échoué de peu – ont été politiques. Dans plusieurs cantons, dont Berne et Zurich, l’obligation des personnes morales à s’acquitter de l’impôt ecclésiastique a été remise en cause, car l’Eglise s’attaquait aux entreprises.

Pas de consigne de vote

Dès lors, rien d’étonnant à ce que, la seconde tentative à peine lancée, les questions surgissent dans les milieux d’Eglise! La stratégie présentée lors d’une rencontre avec des responsables de communication cantonaux est claire: rappeler les principes généraux, mais ne pas donner de consigne de vote. 

Si le conseil de l’EERS adopte cette politique, l’Eglise nationale se contentera de renvoyer à des principes, listant des positions telles que «Des règles honnêtes pour une économie équitable» de 2010 ou «Pourquoi les Eglises se sentent-elles aussi concernées par la durabilité» de 2022. 

Même du côté de l’Entraide protestante (EPER), le soutien pourrait se faire plus discret, malgré le fait qu’elle est représentée au comité d’initiative, glisse une personne proche de l’EERS qui argumente: «En 2020, l’EPER et Pain pour le prochain n’avaient pas encore fusionné. La petite ONG Pain pour le prochain pouvait alors jouer les francs-tireurs.» Au travers de ses enquêtes, elle dénonçait d’ailleurs régulièrement l’impact à l’étranger des activités d’entreprises suisses, notamment celles actives dans le commerce des matières premières. L’argument ne convainc cependant pas Daniel Tillmanns, de l’EPER. «C’était justement l’un des points forts de la fusion, regrouper le travail de plaidoyer et d’aide sur le terrain. Nous ne pouvons pas nous contenter de chercher de l’argent pour venir en aide aux victimes sur place. Si nous souhaitons avoir un impact systémique, un cadre contraignant les multinationales à respecter les droits humains et l’environnement dans les pays du Sud est nécessaire.» Il rappelle, par ailleurs, que le travail de plaidoyer de Pain pour le prochain a trouvé place dans la stratégie de l’EPER.

Situation différente

Enfin, la campagne qui s’ouvre pourrait aussi être moins intense, car l’Europe et de nombreux pays voisins ont adopté des règles de diligence comparables à celles demandées par l’initiative. Une partie des opposants qui craignaient une perte de la compétitivité économique suisse pourraient ainsi être moins enclins à s’engager. 

Les initiateurs déclarent avoir obtenu 183'661 signatures en à peine 14 jours. Un record! Il leur suffisait d’en avoir 100'000 en 18 mois pour que leur texte soit soumis aux urnes.

Révisez en vue du débat en lisant les prises de position de l’EERS et un choix de nos articles sur www.reformes.ch/multinationales.