« Nous sommes là pour magnifier la révolte »

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« Nous sommes là pour magnifier la révolte »

29 novembre 2011
Trois jeunes « Indignés » des Bastions étaient la semaine dernière les invités des rencontres du jeudi au temple de la Fusterie, au centre de la Cité de Calvin. Apolitiques, ils revendiquent une voie médiane entre capitalisme et communisme. Les militants pourraient mettre sur pied une marche pour la paix avec l'Eglise protestante de Genève (EPG).
(Crédit photo: © Tomavana)

« Nous luttons contre la corruption dans ce pays, la privatisation des médias, la crise du logement à Genève», liste Dan, 23 ans, qui travaille dans le domaine de l'art. Avec Sabrina, 20 ans, et Aymaël, 23 ans, les trois Indignés genevois ont quitté leur campement des Bastions pour les fauteuils rouges du Temple de la Fusterie, où le pasteur Blaise Menu les a invités jeudi 24 novembre. Une soixantaine de personnes ont fait le déplacement.

« Nous ne sommes pas un mouvement de jeunes », précisent-ils chacun à leur tour. Car chez ces militants nés sur les cendres chaudes de la crise de la dette, chacun parle en son nom. Mais tous cherchent un consensus.

Depuis le 15 octobre, la cité de Calvin imite donc Atlanta, Oakland, Wall Street ou la City de Londres et "accueille" ses Indignés. Dans le droit fil du roman de Stéphane Hessel (Indignez-vous), le mouvement de contestation a pris racine en Suisse. « Un quart des transactions pétrolières mondiales passe par ce canton », affirme pour sa part et sur la pointe des pieds Aymaël, étudiant au Collège du Soir Alice-Rivaz.

« Sortez de vos tentes! »

Elève dans le même établissement, Sabrina se montre lucide : « On sait qu'il faut changer, mais on ne sait pas comment. » Du coup, le public de la Fusterie, attentif jusqu'ici, réagit. « Sortez de vos tentes ! » leur lance une femme active dans la politique de terrain. « Beaucoup de partis sont louables, lui rétorque Aymaël. Mais est-ce que des gens à la rue, des mendiants rackettés, c'est une démocratie ? » « Je ne me reconnais pas dans les partis. Je vote blanc, mon vote est comptabilisé mais pas pris en compte », renchérit Sabrina.

Je ne me reconnais pas dans les partis. Je vote blanc, mon vote est comptabilisé mais pas pris en compte.

Auto-proclamés apolitiques, les Indignés revendiquent une voie médiane entre capitalisme et communisme, « fédératrice des indignations ». Quid de l'implication bénévole ? Aymaël en a fait : Greenpeace, Attac. Et estime en faire aujourd'hui encore en participant au mouvement. Pas suffisant, toutefois, pour faire vivre le camp. Alors on leur apporte des vivres, un soutien financier – « on a même eu la visite de banquiers » –, ou encore du bois le feu.

Les 10 commandements des Bastions

Mais l'hiver sera long pour les Indignés des Bastions. Pour l'heure, ils bénéficient de la clémence des autorités de la ville, saluée par Charlotte Kufer, présidente de l'Eglise protestante de Genève (lire ci-dessous). Sous l'oeil des Réformateurs gravés dans la pierre, la trentaines de militants du noyau dur a instauré un charte de bonne cohabitation : les 10 commandements du Parc des Bastions. Cent personnes y graviteraient sur l'ensemble de la semaine.

Utopiques, Sabrina, Dan et Aymaël et leurs collègues ? « Nous sommes là pour magnifier la révolte », affirme le dernier, petit-fils de résistant. Dans l'assistance, on s'est réveillé : « Vous vous êtes indignés ? Engagez-vous ! »

L'Eglise ouverte au dialogue

Dimanche 6 novembre, culte de la Réformation. L'Eglise protestante genevoise (EPG) célèbre un culte Parc des Bastions, à quelques encablures du Mur des Réformateurs. Les Indignés y ont dressé leur campement depuis quelques jours. Ils doivent déménager, mais le dialogue se noue. « En tant que protestants, nous avons à nous demander ce que nous avons en commun avec les Indignés », a expliqué Charlotte Kuffer, présidente de l'EPG, à ProtestInfo.
Mme Kuffer n'exclut pas de répondre positivement à la demande des Indignés genevois et de s'associer à une Soupe populaire pendant la période de l'Avent ou à une marche pour la paix. La pasteure Vanessa Trüb, pour sa part, emmènera ses catéchumènes au Parc des Bastions : « Ils pourront voir comment se vit une forme de révolte, une valeur aussi au coeur des Evangiles. »


A découvrir
Entre musique, conférences et rencontres, le temple de la Fusterie propose un programme varié ouvert à tous. En décembre, découvrez notamment une série de trois rencontres sur le culte dans différentes traditions chétiennes.

S. R.