Tu achèteras !
Par Muriel Schmid
Le vendredi qui suit Thanksgiving (cette année le 25 novembre) est connu sous le nom de Black Friday (l’expression viendrait du lourd trafic qui suit Thanksgiving, quelque chose comme « noir de monde ») et est devenu, depuis les années 70 environ, le jour d’un shopping effréné.
Les magasins font des actions uniques et ouvrent généralement vers 4h du matin ; pour ne pas manquer les offres les plus intéressantes, il est de tradition de camper dans les rues en attendant l’ouverture des portes. Les gens se poussent alors au portillon, littéralement, et chaque année on déplore des blessés, voire des morts.
A tous points de vue, les statistiques de cette année ont battu les records. Tout d’abord, plusieurs grandes surfaces ont décidé d’ouvrir leurs portes soit à 22h soit à minuit le soir de Thanksgiving même; du jamais-vu, ce qui a donné lieu à de vives discussions : faut-il ou ne faut-il pas l’approuver? Qu’en est-il donc du repas familial ? Et les employés, y a-t-on pensé ? Mais dans cette période de récession et de morosité économique, il fallait bien attirer le client par des subterfuges encore plus alléchants. Et cela a payé !
Une expérience américaine à faireDeux cent vingt-six millions d’Américains (contre 212 l’an dernier) ont dépensé 52,4 milliards de dollars pendant les 3 jours du Black Friday week-end (contre 45 milliards l’an dernier). Cette frénésie a apporté également son lot de violence, comme chaque année ; et là aussi, le nombre d’incidents a battu les records enregistrés : bagarre et coups de feu, usage de spray poivré, etc.
Depuis quelques années, la réponse à la crise économique aux USA a été très claire : dépenser et encourager les gens à dépenser. On reçoit des remboursements d’impôts, les prix spéciaux et les offres de crédit à bas intérêt se multiplient.Le shopping de Thanksgiving marque le début officiel de la période d’achats des fêtes. Je n’y suis jamais allée, ce consumérisme à l’excès ne m’attire guère. Certains m’assurent pourtant que cela reste une expérience américaine à faire, surtout si l’on participe aux campements de fortune sur les trottoirs.
Depuis quelques années, la réponse à la crise économique aux USA a été très claire : dépenser et encourager les gens à dépenser. On reçoit des remboursements d’impôts, les prix spéciaux et les offres de crédit à bas intérêt se multiplient. Une réponse à la crise qui, aux yeux de bien des Européens, peut sembler paradoxale. Une réponse qui, pour bon nombre de travailleurs sociaux américains, est devenue tout simplement criminelle.
Augmenter ses dettesEn tous les cas, les grandes surfaces et autres revendeurs semblent profiter du shopping des fêtes. On peut toutefois se poser la question : combien de familles et d’individus n’ont fait qu’augmenter leurs dettes pour des peccadilles dont ils n’avaient pas vraiment besoin ?
Un peu partout en Europe, la période est aux achats de Noël, même si c’est de manière moins spectaculaire qu'aux Etats-Unis: offres spéciales, course aux cadeaux, nocturnes, etc. Depuis longtemps, les Eglises se lamentent de la commercialisation de Noël, du manque de spiritualité dans toute cette consommation et elles rêvent à des temps meilleurs où l’esprit de Noël était encore présent. Chaque année la question revient : que reste-t-il de Noël au-delà des achats ?
Selon divers sondages, la majorité des populations européennes ont bel et bien perdu le lien entre Noël et l’idée d’une fête religieuse chrétienne. Peut-être que c’est là, la plus grande victoire du consumérisme: s’infiltrer de manière irréversible à l’intérieur du récit de Noël. Et lors des célébrations de Noël des semaines à venir, la plupart d’entre nous entendra très certainement encore une fois la sempiternelle remarque que le vrai esprit de Noël a été sacrifié sur l’autel de la commercialisation. La bataille est-elle donc jouée une fois pour toutes ? Ou va-t-on une fois nous raconter Noël ?