Quand des étudiants poussent les portes des prisons

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Quand des étudiants poussent les portes des prisons

Céline Latscha
21 mai 2012
Etudiantes aux Universités de Neuchâtel et de Lausanne, Louise, Clémentine et Tullia interviennent chaque semaine dans le centre de détention de Bellevue, à Gorgier (NE). Elles y dispensent des cours particuliers en milieu carcéral. Une première suisse. Témoignages.


Le temps d'un cours hebdomadaire d'une heure, Louise se mue en prof d'anglais et de français en prison. « Les détenus ont choisi de venir à nos activités et sont donc motivés », explique l'étudiante. Les cours se déroulent dans des petits parloirs. « Les agents de sécurité nous laissent un téléphone d'urgence », poursuit Louise. Et pendant l'heure de cours, les bénévoles sont seuls avec les détenus.

La jeune femme raconte comment l’appréhension avant la première rencontre avec les détenus a très vite disparu. « Ce que j'aime, poursuit Louise, c’est qu’il n'y a pas de hiérarchie entre nous. Nous pouvons parler de tout et de rien. »

Etudiante en ethnologie à l'Université de Neuchâtel, Louise cherchait une activité bénévole. Lorsqu’elle reçoit un mail de l'association GENEPI (lire l'encadré) qui cherche de nouveaux membres, elle est immédiatement intriguée par ce projet en milieu carcéral.

Allemand et chocolat

Clémentine, une autre bénévole, a commencé par donner des cours d'allemand à un détenu marocain de la prison de Gorgier il y a plus d'un an. Il souhaitait apprendre la langue pour pouvoir accompagner des groupes de touristes allemands au Maroc un fois sorti de détention. Cet homme était très motivé et apportait régulièrement du chocolat pour remercier les étudiants de leur engagement.

Ce besoin d’engagement peut surprendre. Pourtant Clémentine l’explique très simplement: « Je me considère comme quelqu'un de privilégié. Je n'ai jamais eu de difficultés scolaires et mes parents me financent l'université, que demander de plus? Du coup je cherchais une activité qui ne profite pas qu'à moi.» Identification au détenu

Clémentine va plus loin: « La plupart des gens qui sont en prison sont des gens qui n'ont pas eu ma chance. Qui sait ce que j'aurais fait et où j'aurais fini à leur place. Peut-être aussi en détention. » Le fait que chaque bénévole dispense des cours « particuliers » permet à ces derniers de s’interroger, voire de s’identifier au détenu auquel ils ont affaire.

Cette activité profite aussi aux bénévoles.Tullia, qui va une fois par semaine rendre visite à un détenu, se sent utile. "Je suis contente de pouvoir transmettre mon "savoir sportif" à cette personne qui veut vraiment s'en sortir. L'heure hebdomadaire que je passe avec lui passe trop vite. J'aimerais pouvoir rester plus longtemps, tellement son envie d'apprendre est grande. »

Du coup, l'étudiante en ressort presque frustrée ou, « pour être positive, en me réjouissant du lundi suivant ». « La reconnaissance qu'il a pour mon aide est une récompense indescriptible, poursuit-elle. Peut être est-ce égoïste, mais ça me rend plus forte de savoir que je ne suis pas inutile sur cette Terre.»

Une association "différente" venue de France

Le GESEPI – Groupement Etudiant Suisse d’Enseignement aux Personnes Incarcérées – est né à Neuchâtel en 2009 sous l’égide de l’association française GENEPI (Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées), active dans l’Hexagone depuis 1974. Ses membres, tous bénévoles, dépendent d'un comité, présidé par Garance Tièche, étudiante à l’UniL.

  • Contact par courriel à l'adresse: association.gesepi@gmail.com