Les banques suisses et la politique américaine

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Les banques suisses et la politique américaine

Pierre Bühler
30 mai 2012
Tout récemment, on a pu lire dans la presse que les dirigeants des deux grandes banques suisses UBS et Credit Suisse soutenaient financièrement les campagnes électorales des deux candidats à la présidence des Etats-Unis. On pouvait lire aussi, chiffres à l’appui, qu’ils privilégiaient nettement le candidat républicain.

En effet, jusqu’ici (et la campagne continue !), Mitt Romney a reçu des deux banques, prises ensemble, un peu plus de 500'000 dollars, tandis que Barack Obama a reçu quelque 76'000 dolllars.

Je dois dire que ces informations, livrées par l’organe de surveillance de la campagne électorale américaine, le «Center for Responsive Politics» (Centre pour une politique responsable), m’ont sidéré à plus d’un égard. Certes, je suis probablement naïf, mais j’ose imaginer que beaucoup d’autres sont tout aussi choqués que moi. Et même si nous devions tous être considérés comme de pauvres naïfs par les milieux de la finance, je maintiens que cette nouvelle m’a révolté.

«Supercontribuable» devenait soudain le grand sauveur des banques!

Il y a quelques années seulement, ces banques, menacées par une crise qu’elles avaient provoquée elles-mêmes par leurs spéculations excessives, ont dû être sauvées par l’investissement massif de fonds publics. En m’inspirant d’un dessin de presse de Chappatte: tel un Superman, «Supercontribuable» devenait soudain le grand sauveur des banques! Et voilà que, quelques années plus tard, sans beaucoup consulter le sauveur de jadis, on se permet de jeter des centaines de milliers de dollars dans la politique américaine.

La plus grande générosité à l’égard du milliardaire Mitt Romney montre qu’on s’attend de sa part à plus de compréhension pour les intérêts du monde financier. On espère surtout qu’il fera marche arrière par rapport à certaines lois que le gouvernement Obama a mises en place et qui empêchent de spéculer en rond…

Mais il y a bien pire, et c’est le choix ainsi opéré tacitement, même si les banques s’empressent de dire maintenant qu’elles ne s’identifient à aucun candidat en particulier. La directrice de l’organe de surveillance américain n’est pas dupe: la plus grande générosité à l’égard du milliardaire Mitt Romney montre qu’on s’attend de sa part à plus de compréhension pour les intérêts du monde financier. On espère surtout qu’il fera marche arrière par rapport à certaines lois que le gouvernement Obama a mises en place et qui empêchent de spéculer en rond…

Mais les dirigeants de nos banques ignorent-ils que l’enjeu d’une campagne électorale, c’est d’abord un projet de société? Or, le projet de société défendu par Mitt Romney est ultra-conservateur: défense de valeurs traditionnelles, prétendument chrétiennes, en ce qui concerne la morale (par exemple en matière de droit à l’avortement ou de reconnaissance des relations homosexuelles), démantèlement des protections sociales (par exemple en matière d’assurance maladie), défense ultra-libérale des lois du marché en matière d’économie, le tout fondé sur un protestantisme ultra-fondamentaliste.

Mais je soupçonne que nos cadres banquiers n’ont que faire de ces questions. Peu importe le projet de société, pourvu que les affaires marchent… Une belle manière de confirmer les clichés qui circulent de par le monde au sujet de la Suisse! Mais pas une manière de faire de la «responsive politics », de la politique responsable!