Vully: un couple de pasteurs pour un poste

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Vully: un couple de pasteurs pour un poste

Anne-Sylvie Mariéthoz
3 juillet 2012
Pierre-Philippe Blaser remplace Daniel de Roche à la tête du Conseil synodal fribourgeois dès le 1er juillet. Depuis sept ans, ce pasteur partage son poste avec son épouse, dans la paroisse de Môtier-Vully. Portrait.

La Réforme est passée tôt dans ce district du canton de Fribourg. Déjà bien présents dans la région, les Bernois dépêchèrent Guillaume Farel sur les lieux dès 1530. Aujourd’hui, cette partie du Vully attire de nombreux nouveaux habitants, toujours en provenance de Berne. En témoignent une véritable forêt de gabarits que l’on aperçoit à la gare de Sugiez, ainsi que les villas toujours plus nombreuses à coloniser le coteau de Lugnorre, pour la transformer en petit «Beverlly Hills fribourgeois».

L’équilibre des langues s’en trouve modifié, mais la région reste officiellement attachée à son identité francophone. Et dans la paroisse? «Ça se passe tout en souplesse», affirme le couple de pasteurs, Florence et Pierre-Philippe Blaser.

Etre là pour tous

«Nous faisons en sorte que les personnes de langue alémanique se sentent accueillies. Si une famille nous contacte pour un acte ecclésiastique, il va de soit que nous allons essayer de parler l’allemand ensemble, au moins de placer quelques mots, un cantique, bref, de trouver des solutions.»

A partir du 1er septembre, une diacre sera engagée à 30%. Parfaitement bilingue, «elle nous permettra d’être plus à l’écoute dans cette paroisse qui s’agrandit, et d’offrir une meilleure qualité d’échange que ce que nous pouvons proposer avec nos compétences limitées», ajoute Pierre-Philippe. Cette communauté germanophone se montre peu revendicatrice par ailleurs.

Le problème ne se pose pas tant du côté des familles, vite intégrées par le biais des enfants qui fréquentent l’école francophone. Mais les personnes âgées sont peut-être un peu laissées pour compte, craignent les deux pasteurs. Cette diacre pourra aller les rencontrer, être leur référent, «car leur paroisse est aussi là pour elles».

Choix de vie

Les débats linguistiques, Florence et Pierre-Philippe les ont déjà connus à Bruxelles, où ils ont effectué leurs études de théologie - même si la situation était moins tendue à l’époque. Ils ont «adoré cette ville» et cette expérience, au sein d’une petite faculté très internationale. Depuis, ils se sont toujours organisés pour travailler ensemble, comme dans cette paroisse de Môtier-Vully, où ils partagent un poste à 100%.

Ici, l’idée a été très bien reçue dès le début, mais ça n’a pas toujours été le cas. Leurs formateurs les avaient notamment mis en garde contre ce choix de vie qui représentait, selon eux, un gros risque. «Mais c’est l’inverse qui nous paraissait plus risqué: de mener des vies complètement disparates chacun dans sa communauté», explique Florence.

En tout cas la formule leur réussit et leur permet une certaine souplesse «qui finalement bénéficie à tout le monde». A la paroisse, mais aussi aux deux enfants du couple, qui se partagent les tâches en fonction des affinités et de l’organisation de la vie familiale. «Mais nous sommes assez interchangeables», précise Pierre Philippe.

Paroisse intégrée

Outre son esprit d’ouverture, cette paroisse offre aussi bien d’autres traditions qui ont séduit les deux pasteurs originaires du canton de Neuchâtel. Dans cette population du Vully essentiellement rurale à l’origine, on a conservé quelques coutumes qui fleurent bon le terroir. Même si les exploitations agricoles tendent à se raréfier, chacun cultive encore son petit jardin.

Et il n’est pas rare que Florence et Pierre-Philippe trouvent dans l’escalier de leur maison de magnifiques courges, choux et autres bocaux de confiture. Ces mêmes produits qui décorent l’église une fois l’an, lors du «culte des récoltes» du mois d’octobre. Les catéchumènes passent dans les villages pour recueillir les dons, qui ornent l’église le temps d’un culte d’action de grâce et de partage, avant d’être redistribués à des œuvres d’entraide.

Mais ce qui touche beaucoup les deux pasteurs, c’est le fait que la paroisse soit toujours impliquée dans ces fêtes locales - notamment celle des vendanges - et que les diverses sociétés de chant et les fanfares viennent volontiers se produire à l’occasion des cultes. «N’allez pas croire que c’est la foule à l’église tous les dimanches!», précise Florence, «mais ce qui fait plaisir c’est de voir que la paroisse est bien intégrée à la vie du lieu.»

«C’est dans la tradition du Vully de s’investir, d’être présents», souligne encore Pierre-Philippe, admiratif du caractère «très travailleur» des gens de la région. Et d’ajouter qu’il a entendu «beaucoup de récits de vie de personnes qui s’activent de cinq heures du matin à onze heures du soir, en faisant un peu de maraîchage, un peu de vigne, un peu de bassecour…»

Les Vullerains dispensent une énergie et une générosité qui bénéficient aussi à la paroisse, si l’on en croit les nombreux groupes (lecture, danse, conteuses bibliques, etc.) qui gravitent autour d’elle. «Encore une fois, notre église n’a rien d’exceptionnel en ce qui concerne la fréquentation du culte. Mais la vitalité des différents groupes et la diversité de son offre, font sans doute que chacun y trouve sa place. En tout cas, nous essayons d’y être attentifs», conclut Florence.

Nouvelles responsabilités

Depuis ce printemps, Florence et Pierre Philippe Blaser ont l’un et l’autre accepté de nouvelles responsabilités au sein de l’Eglise évangélique réformée fribourgeoise. Florence en tant que doyenne des pasteurs fribourgeois (partie francophone) et Pierre-Philippe en tant que président du Conseil synodal (exécutif).

«J’ai reçu beaucoup d’encouragements, malgré le fait que je ne sois pas bilingue», affirme le pasteur du Vully. «J’accepte donc le poste avec joie, parce que, comme Florence, j’aime aussi beaucoup notre petite Eglise.» Depuis le 1er juillet, Pierre-Philippe Blaser doit jongler entre ses tâches pastorales et celles, plus relationnelles et gestionnaires, de l’Eglise cantonale.

Les dossiers qu’il reprend ne sentent pas spécialement la dynamite, mais sont néanmoins conséquents: révision du règlement ecclésiastique, révision des statuts, décision sur le siège de l’église cantonale – Morat (actuel) ou Fribourg. Les avis sont très partagés sur ce dernier point: est-il opportun d’investir, de se rendre plus visibles?

La situation financière de l’Eglise cantonale est on ne peut plus sereine. «Nous avons justement la responsabilité de bien utiliser cet argent et de nous montrer aussi solidaires à l’occasion», note Pierre-Philipe Blaser. ASM