Appartenance religieuse: l'OFS fait marche arrière

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Appartenance religieuse: l'OFS fait marche arrière

11 octobre 2012
L’Office fédéral de la statistique (OFS) sort jeudi 11 octobre des chiffres corrigés sur l'appartenance religieuse. Les catholiques, mais surtout les réformés voient leur nombre revu à la baisse. Même corrigés, les chiffres de l'OFS ne correspondent pas à ceux en main des cantons et des Eglises. Une réunion est prévue en novembre entre l'OFS et les représentants des différentes religions.

Tania Buri avec Martin Lehmann, ProtestInfo-reformierte.info

Quand, à la mi-juin, l’Office fédéral de la statistique (OFS) a publié les chiffres les plus récents sur le paysage religieux en Suisse, les résultats étaient en partie attendus. Les personnes sans confession ont presque doublé entre 2000 et 2010 et les effectifs des grandes Eglises nationales ont perdu des membres. Par contre, le fait que les «autres communautés chrétiennes» aient perdu plus d’un tiers de leurs membres a réveillé la perplexité de la Fédération des Eglises libres et communautés évangéliques en Suisse (VFG), qui s’est mise en quête d’une explication.

«Sur les quinze communautés qui appartiennent à notre Fédération, quelques-unes ont vu, certes, leur effectif diminuer, mais en même temps d’autres ont progressé – au total, le nombre des membres, soit environ 55 000, est demeuré stable», a indiqué le président de la VFG Max Schläpfer, liste des cotisations des membres à l’appui.

Selon lui, les communautés en progression sont les communautés pentecôtistes, les évangéliques libres et les communautés missionnaires libres; celles qui ont perdu des membres, parfois massivement, sont les Eglises libres traditionnelles telles que l’Eglise méthodiste et l’Armée du salut. «Mais au total, estime le président de la VFG, les chiffres de l’OFS sont pour nous une énigme.»

Une énigme

Une énigme aussi pour Christoph Freymond, responsable adjoint de la Section Population à l’Office fédéral de la statistique. «Des erreurs de codage ont été commises chez nous», reconnaît-il. Après une recherche, l'OFS a découvert qu'il avait classé certaines Eglises libres dans la catégorie «réformés», et qu'elle avait aussi classé les catholiques chrétiens ou « vieux catholiques » avec les catholiques-romains. Résultat des courses: le chiffre donné en juin pour les réformés est d’environ 2 pour cent trop élevé alors que celui des ‘autres communautés chrétiennes’ est d’environ 2 pour cent trop bas. Les catholiques y laissent aussi quelques points de pourcent.

De fait, la proportion des réformés dans la population résidante suisse n’est pas, comme indiqué en juin, de 30,9 %, mais de 28 % tandis que les catholiques passent de 38,8 à 38,6 %. Une réunion avec les représentants des communautés religieuses prévue début novembre devrait permettre d’éclaircir les choses.

Même corrigés, les chiffres ne correspondent pas à ceux du terrain

Mais ce n'est pas le seul problème. Même corrigés, les chiffres ne semblent guère correspondre à la réalité du terrain. Selon les données de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS), les réformés sont au nombre de 2,35 millions en Suisse alors que l'OFS avance le chiffre de 1,82 mio dans le document publié jeudi 11 octobre.

Dans le canton de Vaud, la différence entre les chiffres de l'OFS et ceux en main du canton et de l'Eglise ne concordent pas non plus. Les réformés vaudois sont 165 000 selon les nouveaux chiffres de l'OFS et 245 000 selon l'Eglise évangélique réformée (EERV).

Comment expliquer ces distorsions? Premier élément invoqué par tous, l'OFS ne prend pas en compte les personnes de moins de 15 ans. Ensuite, au delà de l'erreur commise cette fois par l’OFS, ces chiffres sont issus du premier sondage partiel de la population, une pratique nouvelle qui a succédé en 2010 au recensement traditionnel global de la population.

L’expérience des recensements montre de plus que le relevé de l’appartenance religieuse est extraordinairement difficile. Chaque canton recense la confession de ses habitants comme bon lui semble. Et dans certains cantons, où l’Eglise et l’Etat sont séparés, les statisticiens ne peuvent pas recourir à des données cantonales. «Dans de nombreux cas, explique Christoph Freymond, les statisticiens dépendent des déclarations des personnes interrogées. Et celles-ci se désignent parfois comme «chrétiennes» ou cochent la mention «réformé(e)» alors même qu’elles sont sorties de l’Eglise.»

«Ces chiffres ne nous aident pas»

«Ces chiffres ne nous aident pas », relève Simon Weber, porte-parole de la FEPS. « On ne peut pas travailler avec eux.» Pour les Eglises multitudinistes qui sont au service de tous, disposer de chiffres fiables est important pour adapter leurs offres en présence, personnel et prestations.

Si les chiffres ne sont pas fiables du côté de l'OFS, le sont-ils du côté des cantons? Ce n'est pas le cas partout. Dans le canton de Vaud, l'EERV a relevé des failles. «Ici, nous avons la chance que la dimension spirituelle de l'être humain soit reconnue dans la Constitution, relève Xavier Paillard, vice-président de l'EERV. Mais dans la pratique, la confession des nouveaux-nés n'est plus indiquée au contrôle des habitants. Idem pour les personnes qui déménagement et s'installent dans le canton.

Or ces chiffres, l'Etat en a aussi besoin. «Le politique doit gérer le pluralisme religieux. Il suffit de penser au carré musulman ou à l'enseignement religieux à l'école. Ces hésitations autour des chiffres sont révélatrices d'une nouvelle donne sociale, où les outils traditionnels sont désuets», résume le pasteur vaudois, également président de la Conférence des Eglises réformées de Suisse romande.

- 24 Heures revient sur le sujet pour le canton de Vaud: http://www.24heures.ch/vaud-regions/Les-protestants-ne-savent-plus-exactement-combien-ils-sont/story/21869940